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générosité. Il ne songea plus qu’aux moyens de sauver la vie à Robertson, sans s’occuper aucunement de le suivre. La résolution qu’il prit, et la manière dont il l’exécuta, sont aussi surprenantes qu’extraordinaires.

Auprès de la Tolbooth, ou prison d’Édimbourg, est une des trois églises qui composent aujourd’hui la cathédrale de Saint-Gilles, et qu’on appelle, à cause de son voisinage, l’église de la Prison. Il était d’usage que les condamnés à mort fussent amenés dans cette église, sous une garde suffisante, pour assister aux prières publiques, le dimanche qui précédait leur exécution. On supposait que le cœur de ces infortunés, quelque endurci qu’il fût, se laisserait aller à quelques sentiments de religion en unissant pour la dernière fois leurs pensées et leurs voix à celles de leurs semblables pour adorer Dieu : on pensait aussi que les fidèles devaient éprouver une impression salutaire et profonde en priant ainsi avec des hommes condamnés par la justice humaine à comparaître devant le tribunal de l’Éternel. Cet usage, quelque édifiant qu’il parût, a été abandonné par suite de l’événement que nous allons raconter.

Le prêtre qui ce jour-là officiait dans l’église de la prison, venait de terminer un sermon pathétique, adressé en partie aux infortunés Wilson et Robertson, qui étaient assis sur un banc isolé, réservé pour les condamnés, et placés chacun entre deux soldats de la garde de la ville. Il leur avait rappelé que la première assemblée où ils se trouveraient serait celle des bons ou des méchants ; que les psaumes qu’ils entendaient maintenant seraient remplacés, dans le court délai de deux jours, par d’éternelles actions de grâces ou d’éternelles lamentations ; que cette terrible alternative dépendait de l’état où se trouverait leur âme avant le fatal instant ; que, loin de s’effrayer d’un aussi prompt appel devant Dieu, ils devaient y trouver un soulagement à leur misère ; car tous ceux qui maintenant élevaient la voix ou fléchissaient le genou avec eux étaient, comme eux, sous le coup inévitable d’une sentence de mort, mais qu’eux seuls avaient l’avantage d’en connaître le moment précis. « Mettez donc à profit, mes malheureux frères, » ajoutait le bon prêtre d’une voix émue, « le temps qui vous est laissé, et rappelez-vous qu’avec la grâce de celui devant qui l’espace et le temps ne sont rien on peut faire son salut, même dans le court délai que vous accordent les lois de votre pays. » À ces paroles, on vit Robertson répandre des