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de l’époque de son accouchement. Je savais bien que la vieille Murdockson était une infâme sorcière ; mais je croyais qu’elle m’aimait, et qu’avec de l’argent je pourrais acheter sa fidélité. Elle avait procuré une lime à Wilson, et à moi une scie. Elle promit volontiers de se charger de l’accouchement d’Effie, et je savais qu’elle avait les connaissances nécessaires pour lui tenir lieu de tout autre secours. Je lui donnai une partie de l’argent que mon père m’avait envoyé, et il fut convenu qu’elle recevrait Effie chez elle, et qu’elle attendrait les ordres que je lui donnerais quand j’aurais effectué ma fuite. Je communiquai ce plan à la pauvre Effie et lui parlai de la vieille sorcière, dans une lettre où je cherchais à soutenir le caractère de Macbeath[1] après sa condamnation, celui d’un brigand intrépide et déterminé qui conserve son impudence et sa gaieté, et se moque de tout jusqu’au dernier moment. Telle était ma pitoyable ambition ! Cependant j’avais résolu intérieurement, si j’avais le bonheur d’échapper à l’échafaud, d’abandonner cette criminelle carrière. Mon projet était d’épouser votre sœur et de passer avec elle aux Indes orientales. Il me restait encore une somme assez considérable, et j’espérais, de façon ou d’autre, trouver le moyen de m’y faire une existence.

« Nous fîmes pour nous évader une tentative que l’obstination de Wilson, qui insista pour passer le premier, fit échouer complètement. Vous avez dû entendre parler de la manière intrépide et généreuse avec laquelle il répara son erreur en se sacrifiant lui-même pour faciliter ma fuite de l’église de la prison. Le bruit s’en répandit dans toute l’Écosse. Ce fut une action noble et héroïque ; tout le monde en parla ; ceux même qui condamnaient le plus les habitudes criminelles de cet homme courageux louèrent avec enthousiasme le généreux dévouement de son amitié. J’ai bien des vices, mais je ne connais ni l’ingratitude ni la lâcheté. Je ne m’occupai plus que de payer à Wilson le prix de son sacrifice, et la sûreté de votre sœur devint même momentanément à mes yeux une considération secondaire. Rendre la liberté à Wilson était le but de toutes mes pensées, et je ne désespérais pas d’en trouver les moyens.

« Cependant je n’oubliais pas non plus tout à fait Effie. Les limiers de la loi me poursuivaient de si près que je n’avais osé

visiter aucun des lieux que je fréquentais autrefois ; mais la vieille

  1. Héros d’une pièce anglaise fort connue, intitulée The Beggar’s Opera. a. m.