Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/371

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ses compagnons et lui donnait de l’empire sur eux. Jusque là j’avais été audacieux et dissolu ; cependant des éclairs de repentir, de regrets, prouvaient encore que je pouvais un jour revenir à la vertu. Mais, pour le malheur de cet homme et pour le mien, malgré la différence de rang et d’éducation qui existait entre nous, il acquit sur moi une influence extraordinaire, que je ne puis m’expliquer que par la supériorité que son courage froid et réfléchi lui donnait sur ma folle impétuosité. J’étais entraîné d’une manière irrésistible à le suivre dans toutes ses entreprises, où il déployait une adresse, un courage tout à fait rares. Ce fut pendant que je m’abandonnais à des aventures si désespérées, sur les traces d’un chef aussi dangereux, que je fis connaissance avec votre sœur dans ces réunions de jeunes gens qui se tiennent dans les faubourgs, et qu’elle fréquentait à la dérobée. Misérable ! la séduction fut comme l’intermède des crimes affreux dont je ne tardai pas à me rendre coupable ! Cependant je dois vous jurer que ce crime n’était pas prémédité, et ma ferme résolution était de lui offrir la réparation qui dépendait de moi, en l’épousant aussitôt que je pourrais me dégager du genre de vie honteux que je suivais et en prendre un plus convenable à ma naissance. Je me livrais à des rêves romanesques : je voulais feindre de la conduire dans quelque misérable retraite, et puis faire briller tout à coup à ses yeux ce rang et cette fortune qu’elle n’avait jamais pu soupçonner, et que j’allais mettre en sa possession. Un ami, à ma prière, se chargea de faire des démarches auprès de mon père pour en obtenir mon pardon. Cette négociation fut plusieurs fois rompue et renouvelée. Enfin, j’étais sur le point de rentrer en grâce auprès de mon père, quand il apprit mon infamie, qui lui fut peinte encore avec des couleurs exagérées, dont, hélas elle n’avait pas besoin. Je reçus de lui une lettre qui m’arriva je ne sais comment ; elle renfermait des billets pour une somme assez forte, et il m’y déclarait qu’il me désavouait à jamais. Je me livrai à toutes les fureurs du désespoir, et, n’étant plus retenu par rien, je me joignis à Wilson dans une entreprise de contrebande qui échoua. Bientôt je me laissai persuader par la logique de cet homme entreprenant et hardi qu’un vol commis sur la personne d’un officier des douanes du comté de Fife n’était qu’un acte de juste représaille. Jusque là j’avais observé de certaines bornes dans mes désordres, et mes mains étaient restées pures de toute attaque sur la propriété d’autrui ; mais dès lors je ne connus plus