Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/367

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sauver une vie qui m’est plus chère que la mienne. Comment est votre sœur ? dans quel état l’avez-vous laissée ? Condamnée à mort !… je le sais ; je l’ai appris. Dieu ! pourquoi le cheval qui m’a porté mille fois sans accidents là où m’appelaient de folles et criminelles passions, s’est-il abattu sous moi lorsque, pour la première fois depuis bien des années, j’entreprenais un voyage par un motif honorable ? Mais je dois me rendre maître de mon agitation : j’y succomberais, et il me reste beaucoup de choses à vous dire. Donnez-moi ce cordial qui est sur cette table… Pourquoi tremblez-vous ? Hélas ! vous n’en avez que trop de cause… Laissez, laissez, je puis m’en passer. »

Jeanie, malgré sa répugnance, s’approcha de lui avec la tasse dans laquelle elle avait versé la potion, et elle ne put s’empêcher de lui dire : « Il y un cordial pour l’esprit, monsieur, lorsque les méchants veulent abandonner les mauvaises voies et s’adresser au grand médecin des âmes. — Silence ! » dit-il d’un ton sévère ; « et cependant je vous remercie… Mais, dites-moi, et sans perdre de temps, ce que vous venez faire dans ce pays ; rappelez-vous que, quoique j’aie été le plus cruel ennemi de votre sœur, cependant je verserais tout mon sang pour elle, et je vous servirai pour l’amour d’elle. Personne ne peut le faire que moi, puisque personne ne connaît mieux les circonstances de cette malheureuse affaire. Ainsi donc, parlez sans crainte. — Je ne crains rien, monsieur, » dit Jeanie en reprenant sa fermeté ordinaire ; « j’ai mis ma confiance en Dieu, et s’il lui plaît d’opérer la délivrance de ma sœur, c’est tout ce que je cherche : peu m’importe quel en soit l’instrument. Mais, monsieur, pour vous parler franchement, je n’ose suivre vos conseils, à moins que vous ne me prouviez qu’ils s’accordent avec la loi divine qui règle ma conduite. — Que le diable emporte la puritaine ! » s’écria George Staunton ; car c’est ainsi que nous l’appellerons maintenant. » Je vous demande pardon ; mais je suis naturellement impatient, et vous me faites perdre la tête. Quel mal peut-il résulter pour vous de me dire dans quelle situation est votre sœur, et sur quoi se fonde votre espoir de la sauver ? Il sera temps de refuser mes avis quand je vous en offrirai qui ne vous plairont point. Je vous parle avec calme, quoique ce ne soit pas dans ma nature ; mais ne me poussez pas au désespoir, vous m’ôteriez les moyens de servir Effie. »

Il y avait dans les regards et dans les paroles de ce malheu-