CHAPITRE XXXIII.
RENCONTRE ÉTRANGE.
Pendant l’intervalle où on la laissa seule, Jeanie s’occupa à réfléchir attentivement sur sa position et sur le parti qu’il lui conviendrait le mieux d’adopter. Elle brûlait d’impatience de continuer son voyage, et d’un autre côté elle craignait de ne pouvoir le faire avec sécurité et sans s’exposer à de nouvelles violences, tant que la vieille et ses complices seraient dans le voisinage. Se souvenant de la conversation tenue dans la grange, et des aveux sans suite de Madge Wildfire, elle en conclut que sa mère avait un puissant motif de vengeance pour arrêter son voyage. De qui pouvait-elle espérer de l’appui, si ce n’est de M. Staunton ? Tout dans son aspect et ses manières semblait encourager cette espérance. Sa figure était belle et prévenante, quoiqu’on y remarquât une forte teinte de mélancolie. Il y avait dans sa physionomie et dans son langage quelque chose de doux et d’encourageant, et comme il avait servi plusieurs années, il avait conservé cette aisance et cette franchise qui distinguent ceux qui ont suivi la carrière militaire. C’était d’ailleurs un ministre de l’Évangile ; à la vérité, dans les idées de Jeanie, il était comparable aux gentils, et égaré de la droite voie au point de porter un surplis et de réciter un sermon qu’il avait d’abord écrit d’un bout à l’autre ; mais malgré cela, et quoique de plus il fût très-inférieur en force de poumons aussi bien qu’en bonne doctrine à Boanerges Stormheaven, Jeanie le considérait encore comme un personnage très-différent du desservant Kilstoup ou autres prélatistes que son père avait connus dans sa jeunesse, qui avaient l’habitude de s’enivrer dans leur costume canonique, et d’aller avec les dragons à la poursuite des caméroniens fugitifs. La maison où elle était lui parut être en désordre ; elle remarqua qu’il s’y passait un mouvement extraor-