Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/36

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judice aux négociants honnêtes, et pervertisse ceux-là même qui s’y livrent, n’est cependant pas regardée comme un crime par le vulgaire, ni même par les gens d’un esprit plus relevé. Au contraire, dans les comtés où elle est en vigueur, les paysans les plus hardis et les plus intelligents s’adonnent à ce commerce illicite, souvent même avec l’approbation secrète des fermiers et des petits gentilshommes du pays. La contrebande se faisait généralement en Écosse sous le règne de George Ier et sous celui de George II ; n’étant pas accoutumé aux impôts, le peuple les regardait comme une usurpation sur ses anciennes franchises, et ne se faisait aucun scrupule de s’y soustraire par tous les moyens possibles.

Le comté de Fife, bordé par deux bras de mer au sud et au nord, et par la mer à l’est, ayant d’ailleurs un grand nombre de petits ports, fut long-temps le centre d’une contrebande active et heureuse ; et comme il s’y trouvait beaucoup de gens de mer qui dans leur jeunesse avaient été pirates ou boucaniers, il ne manquait pas d’hommes entreprenants pour se livrer à ce genre de commerce. Parmi eux, un certain André Wilson, autrefois boulanger au village de Pathead, était l’objet d’une surveillance particulière de la part des douaniers. C’était un homme doué d’une vigueur extraordinaire, d’un grand courage et de beaucoup d’adresse ; il connaissait parfaitement la côte, et était capable de diriger les entreprises les plus hasardeuses. En plusieurs occasions, il parvint à échapper aux poursuites et aux recherches des officiers du roi ; mais il excita tant de soupçons et une surveillance si attentive, qu’à la fin il fut entièrement ruiné par plusieurs saisies successives. Poussé à bout, il se considéra comme pillé et volé, et se mit dans la tête qu’il avait droit d’user de représailles quand l’occasion se présenterait. Elle ne manque pas long-temps quand on est décidé à faire le mal. Ce Wilson apprit que le receveur des douaniers de Kirkaldy devait venir à Pittenweems, en faisant sa ronde pour percevoir les droits, porteur d’une somme considérable provenant des deniers publics. Comme cette somme était encore bien au-dessous de la valeur de ce qu’on lui avait saisi, Wilson résolut, sans aucune espèce de scrupule, de se rembourser lui-même de ce qu’on lui avait pris, aux dépens du receveur et de sa recette. Il s’associa un nommé Robertson et deux autres jeunes gens qui se livraient aussi à cette industrie illicite, et parvint à leur faire envisager son projet sous un jour aussi peu défavorable qu’il le voyait lui-même. Wilson entra dans l’appar-