Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait pas oublié par quels moyens le bedeau avait coutume de faire respecter son autorité, et ce souvenir lui ôta tout courage de lui résister.

« Et ma mère, ma pauvre vieille mère ! s’écria-t-elle, qui est en prison à Barkston… Voilà de vos œuvres, miss Jeanie Deans ; mais vous me paierez tout cela, ou mon nom n’est pas Madge Wildfire… je veux dire Murdockson. Dieu me pardonne ! j’oublie jusqu’à mon nom dans cette confusion. »

En parlant ainsi, elle s’en alla et fut suivie de tous les polissons du village, qui raccompagnaient en criant après elle : « Madge, peux-tu dire ton nom maintenant ? » Quelques-uns la tiraient par les pans de sa robe, et employaient tous les moyens qu’ils pouvaient inventer pour l’exaspérer jusqu’à la fureur.

Jeanie vit son départ avec une joie infinie, quoiqu’elle eût voulu pouvoir payer le service que Madge lui avait rendu.

Elle s’adressa alors au bedeau, et lui demanda s’il n’y aurait pas quelque maison dans le village où on voudrait la recevoir en payant, et si elle pourrait avoir la permission de parler au ministre.

« Oui, oui, répondit le dignitaire de la paroisse, nous aurons soin de toi ; et à moins que tu ne répondes au recteur à sa satisfaction, je crois que nous épargnerons ton argent et te logerons aux dépens de la paroisse, jeune fille. — Où allez-vous donc me mener ? » demanda Jeanie avec quelque inquiétude.

« D’abord chez Sa Révérence, où je dois vous conduire pour lui rendre compte de ce que vous êtes, et empêcher que vous ne veniez tomber à la charge de la paroisse. — Je ne veux être à la charge de personne, dit Jeanie ; j’ai de quoi fournir à mes besoins, et je ne demande qu’à continuer ma route en sûreté. — Ma foi, c’est une autre affaire, répondit le bedeau, si toutefois cela est vrai : et il me semble aussi que tu n’as pas l’air si effaré que ta camarade… Tu serais une assez belle fille, si tu étais mieux arrangée et mieux coiffée. Allons, allons, suis-moi, le recteur est un brave homme. — Est-ce le ministre qui approche ? demanda Jeanie. — Le ministre ! Dieu te fasse grâce ! tu es donc une presbytérienne ? Je te dis que c’est le recteur, le recteur lui-même, jeune fille, et il n’y en a pas un semblable dans le comté, ni même dans les quatre comtés voisins… Allons, allons, viens, nous ne pouvons rester ici. — Je vous assure que je ne demande pas mieux que d’aller parler au ministre, dit Jeanie ; car quoiqu’il ait lu son