Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/345

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Jeanie répondit négativement.

« Mais votre sœur en a eu un, elle, et je sais bien ce qu’il est devenu. — Au nom de la miséricorde divine ! » dit Jeanie oubliant le plan de conduite qu’elle s’était tracé, « dites-moi seulement ce qu’est devenu ce malheureux enfant, et… »

Madge s’arrêta, la regarda gravement et fixement, puis fit un grand éclat de rire. « Ah, ah, ma fille, attrapez-moi là, si vous pouvez. Il paraît qu’il est facile de vous faire accroire ce qu’on veut : et comment saurais-je quelque chose de l’enfant de votre sœur ? Les filles ne doivent pas se mêler d’avoir des enfants avant d’être mariées ; alors, le jour de leur noce, les voisines et les commères viennent leur faire fête, comme si c’était le plus beau jour du monde. On dit que les enfants des jeunes filles prospèrent : ma foi, cela n’est pas vrai pour l’enfant de votre sœur et le mien ; mais ce sont là de tristes histoires à raconter, je ferais mieux de chanter un peu pour me donner du courage. C’est une chanson que Gentil Geordie fit pour moi, il y a long-temps, lorsque j’allai avec lui à Lokington pour le voir jouer sur un théâtre, revêtu de beaux habits, avec d’autres acteurs. Il aurait pu faire pis que de m’épouser alors, comme il me l’avait promis ; il faut mieux épouser une voisine que d’aller chercher une étrangère, comme on dit dans le Yorkshire. Il peut aller loin sans trouver aussi bien. Mais cela ne fait rien à ma chanson :

Je suis reine des champs et reine de la ville,
La reine d’un amant qu’il m’est doux d’avouer.
Celle au front de laquelle est venu se nouer
Le cercle en diamants qui sur ce front vacille,
Porte un cœur moins léger que le mien, si tranquille.

Reine de la veillée et des ris et des jeux,
Autour du mai je guide une folle jeunesse,
Chantant le mois des fleurs, le mois de l’allégresse.
Le feu follet qui luit un moment dans les cieux
Est moins brillant que moi dans mon heureuse ivresse.

C’est de toutes mes chansons celle que j’aime le mieux, continua la folle, parce que c’est lui qui l’a faite. Je la chante souvent, et c’est pour cette raison peut-être qu’on m’appelle Madge Wildfire. Je réponds toujours à ce nom, quoique ce ne soit pas le mien ; car à quoi me servirait-il de me fâcher ? — Mais vous ne devriez pas chanter du moins le jour du sabbat, » dit Jeanie qui, malgré sa position et ses inquiétudes, ne pouvait s’empêcher d’être scandalisée de la conduite de sa compagne, surtout en approchant du petit village.