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air. Son premier mouvement fut de chercher avidement des yeux quelque habitation, mais elle n’en vit aucune. Le terrain qu’elle parcourait était en partie cultivé, en partie dans son état de nature, suivant le caprice de ses indolents propriétaires. Dans ces endroits, c’était une terre parsemée de buissons et d’arbres nains ; et là où elle était cultivée, c’était des prairies couvertes d’un gazon fin et sec, ou des champs, des pâturages.

L’active imagination de Jeanie chercha à découvrir de quel côté pouvait être la grande route qu’on l’avait forcée à quitter. Si elle pouvait parvenir à la regagner, elle devait bientôt rencontrer quelqu’un ou arriver à quelque maison où elle pourrait raconter son histoire et obtenir secours et protection. Mais après avoir jeté un regard autour d’elle, elle vit à regret qu’elle n’avait nul moyen de diriger sa course avec aucun degré de certitude, et qu’elle était encore dans la dépendance de sa folle compagne. « Est-ce que nous n’irons pas sur la grande route ? » dit-elle à Madge, de ce ton caressant que prend une nourrice avec son enfant : « il est plus agréable de se promener là qu’au milieu de ces buissons sauvages et de ces broussailles. »

Madge, qui marchait très-vite, s’arrêta à cette question, et fixa soudain sur Jeanie un regard scrutateur, qui semblait indiquer qu’elle la comprenait parfaitement. « Ah, ah ! ma fille, s’écria-t-elle, est-ce là où vous en voulez venir ? vous voulez sauver votre tête par vos jambes, à ce que je vois. »

Jeanie pensa un moment, en entendant sa compagne s’exprimer ainsi, qu’elle ferait peut-être bien de suivre ce conseil et de tâcher de se tirer de ses mains par la fuite. Mais elle ne savait pas de quel côté fuir, et outre qu’elle n’était nullement sûre d’être la plus légère à la course, elle avait la conviction que dans le cas où l’autre la poursuivrait et viendrait à bout de l’atteindre, la folle aurait l’avantage sur elle. Elle abandonna donc pour le moment toute pensée de s’échapper de cette manière, et se hâtant de calmer par quelques paroles les soupçons de Madge, elle suivit avec inquiétude le sentier par lequel il plut à sa compagne de la conduire. Madge, qui ne pouvait long-temps se fixer sur la même idée, ne donna aucune suite à celle-là, et ne tarda pas à reprendre la parole avec la volubilité et le désordre qui lui étaient ordinaires.

« C’est une chose bien agréable que de se promener dans les bois par une belle matinée comme celle-ci. J’aime bien mieux