Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand la prisonnière se réveilla, le soleil était déjà élevé sur l’horizon. Madge Wildfire était encore dans le réduit où elles avaient passé la nuit, et lui souhaita le bonjour avec ce rire insensé qui lui était habituel. « Savez-vous, mon enfant, lui dit-elle, qu’il est arrivé une drôle de chose pendant que vous étiez dans le royaume du sommeil ? Les constables sont venus ici, ma chère ; ils ont rencontré ma mère à la porte, et l’ont emmenée avec eux chez le juge de paix, pour avoir abandonné la jument dans ce champ de blé. Mon Dieu ! ces manants d’Anglais, ils font autant de cas de leurs épis de grain qu’un laird écossais de son gibier. Maintenant, mon enfant, si vous voulez, nous leur jouerons un fameux tour, nous sortirons et nous irons nous promener. Ils feront un beau train quand ils reviendront et qu’ils ne nous trouveront plus ; mais nous pouvons facilement rentrer pour l’heure du dîner, ou du moins avant la nuit, et en attendant nous nous serons amusées, et nous aurons pris l’air. Mais peut-être que vous voudriez déjeuner et vous recoucher. Je sais par moi-même qu’il y a des fois que je pourrais rester toute la journée la tête appuyée sur mes mains, sans pouvoir prononcer une parole, et d’autres jours où il m’est impossible de rester en place une minute. C’est alors que l’on me croit le plus mal, mais je sais ce que je fais ; allez, vous pouvez venir vous promener avec moi sans crainte. »

Quand Madge eût été la plus furieuse des insensées, au lieu d’avoir de temps en temps des lueurs douteuses et incertaines de raison, produites par les causes les plus frivoles, Jeanie n’aurait pas hésité à quitter avec elle un lieu de captivité où elle avait tant à craindre. Elle s’empressa donc d’assurer Madge qu’elle n’avait plus la moindre envie de dormir, ni aucun appétit ; et espérant intérieurement qu’elle ne commettait pas en cela un péché, elle chercha à exciter la fantaisie que montrait sa gardienne de faire une promenade dans le bois.

« Ce n’est pas précisément pour cela, dit la pauvre Madge, mais c’est qu’il me semble que vous vous trouveriez mieux d’être hors des mains de ces gens-là… Non pas qu’ils soient non plus très-méchants, mais ils ont de singulières habitudes, et quelquefois il me semble que ma mère et moi nous ne nous sommes guère bien trouvées de fréquenter une telle compagnie. »

Partagée entre la joie, la crainte et l’espérance qui agitent le cœur d’une captive qui voit le moment de sa délivrance, Jeanie prit avec empressement son petit paquet, et suivit Madge en plein