Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/314

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guérir toute l’Écosse, et sans doute il s’en trouve qui seraient bonnes pour votre maladie. Je voudrais que vous eussiez près de vous une bonne femme, bien prudente et bien attentive, pour vous soigner et vous empêcher de vous fatiguer à lire comme vous faites, ayant déjà assez de lecture à faire pendant la classe des enfants, et pour vous donner du lait chaud le matin. Cela me tranquilliserait sur votre compte. Mon cher monsieur Butler, prenez courage ; nous sommes tous entre les mains de celui qui sait mieux que nous-mêmes ce qui nous convient. Je n’ai aucun doute de réussir dans ce qui a déterminé mon voyage. Je n’en puis, je n’en veux pas douter ; car si je n’avais pas cette pleine confiance, comment pourrais-je trouver des paroles pour supplier ces grands personnages quand je me trouverai en leur présence ? Mais avec la conscience de la droiture de ses intentions, et la fermeté du cœur qu’il faut pour les suivre, on se tire du plus mauvais pas. La chanson dit que le coup de vent le plus fort des trois jours d’emprunt[1] ne put tuer les trois pauvres petits agneaux… Et si tel est le bon plaisir de Dieu, nous qui sommes séparés dans l’affliction, nous nous rejoindrons peut-être dans la joie même de ce côté du Jourdain. Je ne vous rappelle pas ce que je vous ai dit avant de partir, au sujet de mon pauvre père et de cette infortunée jeune fille ; car je suis bien sûre que vous le ferez pour l’amour de la charité chrétienne ; qui est bien plus puissant que les prières de celle qui est votre servante pour vous obéir. »

Cette lettre avait aussi un post-scriptum.

« Mon cher Reuben, si vous pensez que j’aurais dû vous écrire plus longuement ou vous dire des choses plus tendres, imaginez-vous que j’ai écrit tout ce que vous auriez désiré, car vous ne pouvez douter que je n’aie pour vous tous les sentiments que vous pouvez me souhaiter. Vous trouverez peut-être que je suis devenue bien prodigue, car je porte des bas blancs et des souliers tous les jours ; mais c’est ici la coutume des personnes honnêtes, et chaque pays a sa mode. Au reste, si des temps plus heureux revenaient jamais pour nous, vous ririez bien de voir ma figure toute ronde, enterrée sous une bonne-grâce qui est aussi large que tout le milieu de l’église de Libberton. Mais cela garantit bien du soleil,

  1. Les trois derniers jours de mars, vieux style, sont appelés les jours d’emprunt, parce qu’on a remarqué qu’ils sont ordinairement fort orageux, et on suppose que mars les a empruntés à avril pour prolonger son règne turbulent. Les vers dont on parle ici sont rapportés dans la complainte de l’Écosse, édition de Leyde.