Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/29

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demandai-je, que, pour de tels récits, l’histoire de la prison d’Édimbourg fournirait des matériaux ? — Des matériaux à l’infini, mon cher monsieur, dit Hardie. Remplissez votre verre, cependant. N’est-ce pas là que le parlement écossais se rassembla pendant long-temps ? Ne fut-ce pas le lieu de refuge de Jacques, quand la populace, enflammée par des prédicateurs séditieux, se souleva contre lui en criant : « L’épée du Seigneur et de Gédéon ! — Livrez-nous le pervers Aman ! » — Depuis ce temps, combien de cœurs ont palpité dans ses murailles, quand le son de la cloche voisine annonçait leur dernière heure ! combien ont été abattus par ce son lugubre ! combien ont été soutenus par un orgueil obstiné ! combien ont été consolés par la religion ! Quelques-uns en jetant un regard en arrière sur les motifs de leur crime, n’ont-ils pas eu peine à comprendre qu’ils aient été assez puissants pour les éloigner de la vertu ? Quelques autres peut-être, sûrs de leur innocence, n’étaient-ils pas partagés entre l’indignation que leur inspirait l’injuste sentence qu’ils allaient subir, la conscience de ne pas l’avoir méritée, et le désir violent de trouver quelque moyen de délivrance ? Pensez-vous qu’on puisse se rappeler ou lire l’histoire de sentiments aussi profonds, aussi puissants, aussi violents, sans éprouver un intérêt également puissant et profond ? Oh ! attendez que je publie les Causes célèbres de la Calédonie, et d’ici à quelque temps vous n’aurez besoin ni de romans ni de tragédies. La vérité triomphera des plus brillantes inventions de l’imagination la plus ardente : Magna est veritas, et prœvalebit[1]. — Je croyais, » dis-je, encouragé par l’affabilité de mon joyeux interlocuteur, « que l’histoire des tribunaux écossais offrirait moins d’intérêt que celle de tout autre pays. La moralité de nos compatriotes, leurs habitudes de sobriété et de prudence… — Empêchent sans doute qu’il n’existe parmi eux un grand nombre de voleurs et de brigands de profession, mais ne les garantissent pas de ces violents écarts d’imagination ou de passion qui produisent des crimes d’une nature extraordinaire, les plus propres précisément à exciter un vif intérêt chez les lecteurs. L’Angleterre est arrivée bien avant nous au plus haut degré de civilisation ; ses sujets ont été soumis rigoureusement à des lois appliquées sans crainte ni faveur ; une complète division du travail s’y est établie ; et les voleurs eux-mêmes forment une classe distincte dans la société, et se subdivisent entre eux selon l’importance de

  1. La vérité est grande et elle triomphera. a. m.