Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/271

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l’on doit attribuer sa disparition ? l’histoire extraordinaire que vous avez racontée n’est-elle fausse qu’en partie ou entièrement ? c’est ce qu’il n’appartient qu’à Dieu et à votre conscience de savoir. Je n’aggraverai pas ce que votre position a de pénible en appuyant davantage sur ce sujet ; mais je vous engage de la manière la plus solennelle à employer le temps qui vous reste à faire votre paix avec Dieu, et dans ce dessein le ministre qu’il vous plaira de nommer aura accès près de vous. Malgré la recommandation que l’humanité a dictée aux jurés, je ne puis vous donner en ce moment le plus léger espoir de voir prolonger votre vie au-delà du terme assigné pour l’exécution de votre sentence. Abandonnez donc toute pensée qui vous rattacherait à ce monde, et occupez-vous de soins plus importants ; préparez votre esprit par le repentir à la mort, au jugement et à l’éternité. Doomster[1], faites lecture de la sentence. »

  1. Le titre de cet officier (doomster) signifie celui qui va prononcer l’arrêt ou la sentence. Dans ce sens étendu les juges de l’île de Man étaient appelés dempster ; mais en Écosse ce mot fut long-temps employé pour désigner seulement la personne officielle dont le devoir est de répéter la sentence après qu’elle a été prononcée par la cour et enregistrée par le greffier. Le dempster la légalise alors par ces mots voulus par la forme : « Et ceci a été prononcé pour arrêt. (And this I pronounce for doom. a. m.) » Pendant un grand nombre d’années cette charge, telle qu’elle est mentionnée dans le texte, était remplie par le bourreau ; car, lorsque cet officier de justice (odieux, mais nécessaire) était nommé, il demandait à la cour de justice d’être reçu comme dempster, ce qui lui était accordé comme une conséquence inévitable.
    La présence du bourreau au milieu de la cour et devant le malheureux criminel avait quelque chose d’affreux et de révoltant pour la civilisation plus raffinée des temps modernes ; mais si on en doit croire une ancienne tradition du parlement d’Édimbourg, ce fut l’anecdote suivante qui donna lieu à l’abolition de la charge de dempster.
    Il se trouva, à une certaine époque, que la charge d’exécuter les hautes œuvres était vacante. On eut besoin d’un dempster. Quand on réfléchit par qui cet emploi était ordinairement rempli, on ne doit pas s’étonner que personne ne le sollicitât. À la fin, un nommé Hume, qui avait été condamné à la déportation pour une tentative d’incendie sur sa propre maison, se décida à prononcer la sentence dans cette occasion. Mais quand il fut amené dans la cour, au lieu de répéter l’arrêt au criminel, Hume s’adressa aux juges eux-mêmes pour se plaindre amèrement de l’injustice de sa condamnation. En vain il fut interrompu ; en vain on chercha à lui rappeler dans quel but il avait été amené à l’audience : « Je sais bien ce que vous voulez de moi, dit cet homme ; vous auriez voulu que je vous servisse de dempster ; mais je ne suis point venu pour cela : je suis venu pour vous déclarer, à vous, lord T… et à vous, lord E… que vous aurez à répondre au tribunal d’un autre monde de l’injustice qui m’a été faite dans celui-ci. » Bref, Hume n’avait feint d’accepter la proposition que pour avoir l’occasion d’injurier les juges en plein tribunal. On se hâta de l’entraîner, au milieu des éclats de rire de l’auditoire ; mais la scène scandaleuse qui venait d’avoir lieu occasionna l’abolition de la charge de demspter.
    C’est le greffier de la cour qui lit maintenant la sentence, et la formalité de prononcer l’arrêt est entièrement supprimée.