Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/252

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fire pour expliquer comment, dans ce cas, elle a omis de parler de ce fait ; mais je suis d’autant plus porté à croire que ce fut eu raison de sa crainte mal fondée d’incriminer sa sœur que je remarque qu’elle a prouvé la même délicatesse à l’égard de son amant, tout indigne qu’il en est, et qu’elle n’a pas prononcé une seule fois le nom de Robertson dans sa déclaration.

« Mais, milords, continua Fairbrother, je sais que M. l’avocat du roi attend de moi que je lui prouve que ce fait peut se concilier avec d’autres circonstances de l’affaire que je ne puis nier. Il me demandera comment l’aveu qu’Effie Deans aurait fait à sa sœur pendant sa grossesse peut s’accorder avec le mystère de son accouchement, avec la disparition et peut-être le meurtre de l’enfant ; car je ne puis nier la possibilité d’un fait contre lequel je n’ai pas de preuvres : milords, l’explication de tout ceci se trouve naturellement dans l’indulgence, je dirai même dans la facilité et la faiblesse du caractère de la femme. Les dulces Amaryllidis iræ, comme Vos Seigneuries le savent bien, sont aisément apaisées ; et quelque cruellement outragée qu’une femme ait été par l’homme qui fut l’objet de son amour, il est impossible qu’elle ne lui conserve pas toujours un fonds d’indulgence que son repentir véritable ou affecté trouvera toujours inépuisable. Nous pouvons prouver, par une lettre qui fait partie de nos preuves, que ce mauvais sujet de Robertson, du fond de la prison où probablement il méditait déjà la fuite qu’il accomplit ensuite avec le secours de son camarade, continuait d’exercer son influence sur l’esprit de cette malheureuse fille et de diriger ses actions. Ce fut pour se conformer aux injonctions exprimées dans cette lettre, que la prévenue se décida à changer la ligne de conduite que des réflexions plus sages lui avaient suggérée, et qu’au lieu de recourir à la protection de sa famille quand arriva l’époque de l’enfantement, elle s’abandonna à la garde de quelque vil agent de son séducteur, et se laissa conduire par lui dans un de ces repaires secrets du vice et du crime, qui, à la honte de notre police, existent encore dans les faubourgs de la capitale, et là, avec le secours et sous la garde d’une personne de son propre sexe, elle mit au monde un enfant mâle, dans des circonstances qui ajoutaient un double degré d’amertume aux douleurs imposées à notre première mère. Quel est le but de Robertson dans tout ceci ? c’est ce qu’il est difficile de dire ou même de deviner : il peut avoir eu l’intention d’épouser cette jeune fille, car son père est un homme