Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/236

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Jeanie soupira, et commença le récit de ce qui s’était passé entre Robertson et elle, en l’abrégeant le plus qu’il lui fut possible. Effie l’écouta tremblante d’émotion et respirant à peine ; elle tenait la main de sa sœur dans les siennes, et, les yeux fixés sur son visage, elle semblait dévorer chaque parole qui sortait de sa bouche. Elle n’interrompit pas une fois sa narration ; seulement de temps en temps les exclamations de « Pauvre garçon ! pauvre garçon ! » lui échappaient d’une voix basse et entrecoupée de soupirs. Quand sa sœur eut fini, Effie resta quelques moments à réfléchir.

« Et ce fut là le conseil qu’il vous donna ? dit-elle enfin. Comme je viens de vous le dire, répondit Jeanie. — Ainsi, il voulait vous engager à dire quelque chose à ces gens-là pour sauver la vie de votre jeune sœur ? — Il voulait, reprit Jeanie, me faire commettre un parjure. — Et vous lui avez dit, reprit Effie, que vous ne vouliez pas entendre parler de vous placer entre moi et la mort qui m’attend, moi qui n’ai pas encore dix-huit ans ? — Je lui ai dit, » répondit Jeanie qui commençait à trembler de la tournure que semblaient prendre les réflexions de sa sœur, « que je ne pouvais me résoudre à jurer une fausseté. — Et qu’appelez-vous une fausseté ? dit Effie en s’abandonnant un moment à son ancienne irritabilité ; « vous êtes bien à blâmer vous-même, si vous croyez qu’une mère puisse assassiner son propre enfant. L’assassiner, j’aurais donné ma vie pour lui voir seulement ouvrir les yeux. — Je crois, dit Jeanie, que vous êtes aussi innocente d’une telle action que le nouveau-né lui-même. — Je suis charmée que vous me rendiez cette justice, » dit Effie avec une sorte de fierté ; « c’est quelquefois le tort des filles sages, comme vous, Jeanie, de croire que les autres peuvent donner dans tous les excès du mal. — Je n’ai pas mérité cela de votre part, Effie, » dit sa sœur en sanglotant, car elle souffrait tout à la fois de l’injustice de ce reproche et de la compassion que lui inspirait le désespoir qui l’avait dicté.

« Il est possible que non, ma sœur ; mais vous m’en voulez d’aimer Robertson. Et comment puis-je ne pas aimer celui qui m’aime mieux que son corps et son âme tout ensemble ! N’a-t-il pas mis sa vie en péril, en enfonçant les portes de la prison pour me sauver ? et je suis sûre que s’il dépendait de lui comme de vous… » Ici elle s’arrêta et garda le silence.

« Oh ! s’il dépendait de moi de vous sauver en ne risquant que