Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/201

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restez avec Ratcliffe et cette chienne de folle, et vous autres, venez avec moi par ici, sous l’ombre de ce rocher. »

En parlant ainsi il marcha en avant, du pas furtif d’un Indien sauvage qui conduit sa troupe dans le dessein de surprendre un parti d’une tribu ennemie. En les voyant se glisser avec tant de précaution, éviter le clair de lune, et se tenir cachés dans l’ombre autant que possible, Ratcliffe se dit en lui-même : « Robertson est perdu : ces jeunes gens sont toujours si écervelés ! Que diable pouvait-il avoir à dire à Jeanie Deans ou à toute femme au monde, pour aller s’exposer de cette manière ? Et cette maudite folle, après avoir bavardé comme une pie, et chanté comme un paon toute la nuit, la voilà qui se tait à présent que sa langue pourrait servir à quelque chose ! mais il en est toujours ainsi des femmes ; quand elles se taisent, vous pouvez juger que ce n’est pour rien de bon. Je voudrais pouvoir la remettre en train sans que cet autre limier s’en aperçût. Mais il est aussi aiguisé que l’alêne de Mac-Koatchan, qui perçait six plis de cuir et un demi-pouce de l’écusson du roi. »

Il se mit alors à fredonner, mais très-bas et avec précaution, la première stance d’une ballade favorite de Wildfire, dont les paroles offraient un rapport éloigné avec la situation de Robertson, espérant par là réveiller sa mémoire, et la mettre sur la voie pour continuer :

Des limiers de Twindal vont parcourant les bois,
Les chasseurs du gibier découvrent la retraite :
Tandis que sur le mont une jeune fillette
Répète un air à haute voix.

Madge n’eut pas plus tôt reçu le mot d’ordre qu’elle justifia la sagacité de Ratcliffe, en reprenant immédiatement la chanson.

oh ! dormez-vous si fort, monsieur James, dit-elle,
Quand vous devriez être à cheval et courant ?
Vingt hommes armés d’arcs et du sabre tranchant
Accourent vous chercher jusqu’en votre tourelle.

Quoique Ratcliffe fût à une distance assez considérable du lien appelé la butte de Muschat, cependant ses yeux, habitués comme ceux du chat à distinguer les objets dans les ténèbres, lui firent apercevoir que Robertson avait pris l’alarme. George Poinder, dont la vue était moins perçante, ou dont l’attention était moins grande, ne s’aperçut pas de sa fuite, non plus que Sharpillaw et ses compagnons, qui, quoique beaucoup plus près de la butte, furent empêchés de le voir par la nature du terrain où ils s’étaient