Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/180

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il devrait en résulter un bien… Mais vous, vous qui connaissez la vérité de tout ceci dont je n’ai d’autre garant que votre parole ; vous qui, si j’ai bien compris ce que vous me disiez il n’y a qu’un moment, lui aviez promis asile et protection pendant ses couches, pourquoi ne paraissez-vous pas pour rendre publiquement un loyal et ferme témoignage en sa faveur, puisque vous le pouvez en toute sûreté de conscience ? — À qui parlez-vous de conscience, jeune femme ? » dit-il avec un ton de violence qui renouvela toutes ses terreurs ; à moi qui depuis plusieurs années n’ai pas su ce que c’était !… Rendre témoignage en sa faveur, dites-vous ? Effectivement, ce serait un témoignage favorable que celui d’un homme qui, pour parler à une femme d’un rang comme le vôtre, est obligé de choisir un moment et un lieu semblable à celui-ci ! Quand vous verrez les chouettes et les chauve-souris déployer leurs ailes au soleil, vous pourrez vous attendre à me voir dans les assemblées des hommes… Mais, chut ! écoutez ! »

On entendit une voix qui chantait un de ces airs monotones et sauvages si communs en Écosse, et sur lesquels les habitants de ce pays chantent leurs vieilles ballades. La voix s’arrêta, puis reprit, se rapprocha et devint plus forte. L’étranger écoutait attentivement, tout en tenant le bras de Jeanie immobile d’effroi, comme pour l’empêcher d’interrompre le chant en parlant ou en faisant un mouvement. Lorsque qu’il recommença, on entendit distinctement ces paroles :

Quand le milan cruel fend l’azur des nuages,
L’alouette se cache au milieu des bocages ;
Quand les chiens battent les taillis,
Au sein des monts le daim va chercher des abris.

La personne qui chantait avait une voix forte et retentissante, qu’elle déployait dans toute son étendue, de sorte qu’on pouvait l’entendre à une distance considérable. Lorsqu’elle cessa, l’on distingua un bruit sourd et confus qui ressemblait à celui des pas et des voix de personnes encore éloignées, mais qui s’approchaient en parlant bas. La chanson recommença alors, mais sur un autre air :

Oh ! dormez-vous si fort, monsieur James, dit-elle,
Quand vous devriez être à cheval et courant ?
Vingt hommes armés d’arcs et du sabre tranchant
Accourent vous chercher jusqu’en votre tourelle.

« Je n’ose rester plus long-temps, dit l’étranger ; rentrez chez vous, ou restez jusqu’à ce qu’ils vous rejoignent, vous n’avez