Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/15

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bien mieux fait de traiter avec l’ellébore que de les traîner à la mort comme coupables de haute trahison. Au demeurant, quoi qu’on trouve à redire aux opinions des deux partis, il y avait, sans aucun doute, dans l’un comme dans l’autre, des hommes vertueux et estimables, qui donnent à chacun d’eux le droit de s’enorgueillir de ses martyrs. On m’a demandé de quel droit moi, Jedediah Cleishbotham, je me constituais le juge impartial de ces opinions divergentes : d’autant que (comme il est bien prouvé) je dois nécessairement descendre de l’un des deux partis contendants, et être attaché, pour mon bien ou pour mon mal, conformément à l’usage très-raisonnable de l’Écosse, aux dogmes de ce parti ; être obligé même comme par un devoir patrimonial, ou, pour parler sans métaphore, par les droits du sang (ex jure sanguinis), à soutenir ces dogmes, comme préférables à tous les autres.

Mais, sans dénier en rien la sagesse de la loi d’après laquelle tous les êtres actuellement vivants doivent régler leurs opinions politiques et religieuses sur celle de leurs grands-pères, et quelque inévitables que paraissent les deux branches du dilemme entre lesquelles mes adversaires pensent m’avoir renfermé, j’aperçois pourtant quelques moyens d’échapper à la difficulté, et de prétendre à un privilège particulier pour écrire et parler des deux partis avec impartialité : car (ô vous, puissants logiciens !) quand les prélatistes et les presbytériens d’autrefois allumèrent la guerre civile dans ce malheureux pays, mes ancêtres (honneur à leur mémoire !) appartenaient à la secte des quakers, et souffrirent des deux partis de très-mauvais traitements, jusqu’à l’épuisement de leur bourse et l’incarcération de leurs personnes.

Sollicitant ton pardon, aimable lecteur, pour ces petits détails sur moi et les miens, je demeure, comme je l’ai déjà dit, ton fidèle et reconnaissant ami[1]

  1. C’est un vieux proverbe, que bien souvent on dit la vérité en riant. L’existence de Walter Scott, troisième fils de sir William Scott de Hasden, est établie, comme on dit, par une patente portant le grand sceau, a domino Willielmo Scott de Hasden, militi ex Waltero Scott suo filio legitima tertio genito, terrarum, de Robertson. L’opulent vieux gentleman laissa à chacun de ses quatre fils des propriétés considérables, et assura celles d’Erslrig et de Raeburn, avec d’autres beaux domaines autour de Lessuden, à Walter, son troisième fils, lequel est l’aïeul des Scott de Raeburn et de l’auteur de Waverley. Il paraît s’être converti à la doctrine des quakers ou amis, et avoir été un fervent partisan de leurs singuliers dogmes. Ce fut probablement à l’époque où George Fox, le célèbre apôtre de cette secte, fit une excursion dans le sud de l’Écosse, vers 1057. À l’occasion de quoi il se vante « qu’aussitôt que les pieds de son cheval touchèrent la terre d’Écosse, il vit les semences de la grâce étinceler autour de lui comme d’innombrables traits de feux. » Probablement,