Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/108

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liberté ; s’il tient un peu trop au monde et aux biens du monde, c’est qu’alors quelque mauvais vent a soufflé sur son esprit, etc., etc. » Voilà ce que disait et pensait l’honnête Davie.

On ne doit pas supposer que le père, homme de sens et d’observation, n’eut jamais remarqué avec quelle attention le laird tenait ses yeux attachés sur Jeanie. Ce fait cependant avait frappé bien plus encore un autre membre de la famille, la seconde femme de Deans, à laquelle il s’était uni dix ans après la mort de la première. Quelques personnes pensaient que Douce Davie avait dévié de ses principes en contractant cette nouvelle union ; car en général il blâmait le mariage et ceux qui s’y engageaient, paraissant plutôt considérer cet état de société comme un mal nécessaire, que comme une chose légitime et tolérable dans l’état imparfait de notre nature, mais qui coupe les ailes au moyen desquelles nous devons nous élever vers le ciel, qui enchaîne l’âme à sa maison de boue, aux plaisirs et aux jouissances terrestres. Toutefois sa conduite n’avait pas été sur ce point d’accord avec ses principes, puisqu’il s’était deux fois chargé, comme nous l’avons vu, de ces chaînes dangereuses et accablantes.

Rebecca, son épouse, était loin d’avoir la même horreur du mariage, et comme son imagination mariait tous ses voisins, elle ne manquait pas de prévoir une union entre Dumbiedikes et sa belle-fille Jeanie. Le bonhomme avait coutume de sourire et de lever les épaules quand elle abordait ce sujet ; mais d’ordinaire il finissait par prendre son bonnet et sortir de la maison pour cacher un rayon de joie qui, en ces occasions, brillait involontairement sur ses traits austères.

Mes jeunes et joyeux lecteurs me demanderont peut-être si Jeanie Deans méritait l’attention muette du laird de Dumbiedikes, et l’historien, par égard pour la vérité, est forcé de répondre que les charmes de sa personne n’avaient rien d’extraordinaire. Elle était petite et trop grosse peut-être pour sa taille ; elle avait les yeux gris, les cheveux d’un blond clair, et une figure ronde et réjouie, noircie par le soleil ; son seul attrait particulier était un air de sérénité inexprimable, qu’une bonne conscience, un cœur honnête, un caractère excellent et l’accomplissement régulier de tous ses devoirs, répandaient sur son visage. Il n’y avait donc rien, comme on peut se l’imaginer, de bien attrayant dans la tournure ni dans les manières de cette héroïne rustique ; et cependant, soit timidité stupide, soit qu’il manquât de détermina-