Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/98

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n’en valait pas la peine, ne s’arma qu’à demi, comme faisaient toujours les chevaliers, lorsqu’ils sortaient de l’enceinte du château, et se mit en devoir d’exécuter les ordres de sir John. Deux ou trois cavaliers l’accompagnèrent, ainsi que son écuyer Fabian.

Il tomba vers le soir un de ces brouillards écossais qui, dit-on communément, ressemblent aux pluies des climats plus favorisés. La route devenait de plus en plus noire, les montagnes se couvraient de vapeurs de plus en plus épaisses, ce qui les rendait plus difficiles encore à traverser ; et toutes les petites incommodités, grâce auxquelles on ne pouvait parcourir ce district qu’avec lenteur et incertitude, étaient augmentées par la densité du brouillard qui enveloppait tous les objets.

Sir Aymer pressait de temps en temps le pas de sa monture ; et il lui arrivait ce qui arrive aux gens qui se trouvent déjà en retard : il rendait sa course plus lente par les efforts mêmes qu’il faisait pour l’abréger. Il s’imagina qu’il se rendrait plus directement à Hazelside en passant par la ville presque déserte de Douglas, dont les habitants avaient été si sévèrement traités par les Anglais dans le courant de ces guerres désastreuses, que la plupart des hommes capables de porter les armes s’étaient retirés dans différents cantons du pays. Cette place presque abandonnée était défendue par une palissade grossière et par un pont-levis plus grossier : cette entrée conduisait à des rues si étroites, que trois cavaliers de front y passaient avec peine. Tout cela laissait voir avec quelle rigueur les anciens seigneurs de ce bourg tenaient à leurs préjugés contre les fortifications, et à leur prédilection pour descendre dans la plaine, prédilection si vivement exprimée dans la devise bien connue de leur famille : « Mieux vaut entendre l’alouette chanter que la souris crier. » Les rues ou plutôt les ruelles étaient plongées dans une obscurité complète, sauf quand les rayons incertains de la lune qui commençait à se lever éclairaient de temps à autre quelque toit roide et étroit. On n’entendait aucun bruit d’industrie humaine, aucun bruit de joie domestique ; on ne voyait briller aux fenêtres des maisons ni feu ni lumière. L’ancienne ordonnance, connue sous le nom de couvre-feu, que le conquérant avait introduite en Angleterre, était alors en pleine vigueur dans les parties de l’Écosse que l’on croyait douteuses et capables de se révolter ; et il n’est pas besoin de dire que les anciennes possessions des Douglas étaient rangées dans cette dernière catégorie. L’église, dont l’architecture gothique était d’un superbe caractère, avait été attaquée par le