Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/411

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la nuit où celle-ci se maria dans l’église de Saint-Ronan. — Voulez-vous dire que vous êtes cette personne même ? » répliqua Cargill en levant la lumière de façon à éclairer la figure de la malade, je ne puis le croire. — Non ?… vous prétendez ne pas vous souvenir de moi ; mais si je vous disais combien de fois vous avez refusé d’accomplir en secret la cérémonie qu’on vous demandait ; combien de fois vous avez allégué que c’était agir contrairement aux règles canoniques ; si je vous rappelais l’argument qui fit enfin impression sur vous, et votre intention de faire l’aveu de votre transgression à vos confrères de la cour ecclésiastique, pour exposer vos excuses, et de vous soumettre à leur censure que vous disiez ne pouvoir être légère… vous reconnaîtriez alors que, dans la voix d’une mendiante, vous entendez celle de l’artificieuse, de la gaie, de l’élégante Hannah Irwin. — J’en conviens, ces preuves sont indubitables, et je crois que vous êtes réellement celle dont vous prenez le nom. — Voici donc un pas pénible de fait ; écoutez la suite. Et d’abord, sachez que la raison qui sut vous déterminer à nous prêter votre saint ministère, et qui vous fut alléguée par un jeune homme que vous connaissiez sous le nom de Francis Tyrrel, quoiqu’il n’eût droit qu’à se nommer Valentin Bulmer ; cette raison, dis-je, n’était qu’une basse et grossière calomnie. Sachez encore que je fus la coupable confidente du faux Francis Tyrrel. Clara aimait le véritable. Lors de la fatale cérémonie, elle fut trompée aussi bien que vous, et je fus, moi, la misérable qui contribua principalement à la réussite de cette ruse diabolique… Vous avez horreur de moi, monsieur Cargill ; mais je n’agissais que d’après les instigations de cet infâme Bulmer. Ce monstre réussit à me faire épouser un homme qu’on me fit croire riche, et qui n’était qu’un misérable par qui je fus pillée, maltraitée, vendue… Mais écoutez, il y a quelqu’un ici, j’en suis sûre : j’ai déjà entendu plusieurs fois soupirer, tressaillir. — Vous perdrez la raison en vous abandonnant à des idées semblables ; calmez-vous, parlez, et pour une fois du moins dites la vérité. — Je la dirai, car elle satisfera ma haine contre l’infâme qui, après m’avoir ravi ma vertu, me rendit le jouet et la victime du dernier des hommes. C’est pour démasquer ce Bulmer que je suis venue ici ; car, en apprenant qu’il recommençait à faire la cour à Clara, j ai résolu d’aller tout dire à son frère, et c’est cette résolution qui m’a amenée en ces lieux. Après avoir causé tant de malheurs à mon infortunée parente, j’ai voulu lui épargner du moins un malheur plus grand que tous les autres,