Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/393

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Il la saisit par l’épaule et la repoussa d’une main. En se relevant elle voulut encore lui passer ses bras autour du cou ; il l’éloigna de lui du bras et de la main en la poussant ou en la frappant (on pourrait dire l’un comme l’autre) avec tant de violence que, faible comme elle l’était, il l’eût encore jetée par terre si une chaise ne l’avait reçue dans sa chute. Il la regarda avec férocité, mit la main dans sa poche, puis courut à la fenêtre, l’ouvrit avec emportement et s’avança en dehors autant qu’il le pouvait sans tomber. En proie à une vive frayeur, Clara continuait à s’écrier : « Oh, mon frère ! dites que vous n’aviez pas cette intention !… oh ! dites que vous n’aviez pas l’intention de me frapper… Oh ! quoi que j’aie mérité, ne soyez pas mon bourreau ! nous ne sommes que nous deux au monde ! »

Il ne répondit rien ; et observant qu’il continuait à sortir presque tout son corps par la croisée qui était au second étage du château et qui donnait sur la cour, une nouvelle cause d’appréhension se joignit en quelque sorte à ses terreurs personnelles. Timidement et les yeux baignés de larmes, les mains levées au ciel, elle s’approcha de son frère furieux, et tremblant au fond de l’âme ; mais d’une main forte, saisit le pan de son habit, comme pour le préserver des effets de ce désespoir qui semblait si récemment se diriger contre elle, puis à présent contre lui-même.

Il sentit qu’elle le retenait, et, se retournant avec colère, lui demanda d’un ton sévère ce qu’elle voulait.

« Rien, dit-elle en lâchant la basque de son habit ; mais que… que cherchez-vous donc si ardemment à voir ? — Le diable ! » répondit-il d’un air furieux ; puis retirant la tête de la fenêtre et lui prenant la main : « Sur mon âme, Clara, dit-il, c’est la pure vérité, si les histoires qu’on raconte sont vraies !… il était tout-à-l’heure là près de moi et me pressait de t’assassiner ! Quel autre que lui m’aurait fait songer à mon couteau de chasse… oui, par Dieu ! et me l’aurait mis dans la main… À un pareil moment ? Je m’imaginais le voir s’enfuir, et le bois, le rocher, l’eau réfléchissaient la vive lumière rouge dont étincelaient ses ailes de dragon ! Sur mon âme, c’est à peine si je puis croire que c’est une illusion !… mais il est parti, qu’il ne revienne plus… et toi, instrument de mal, va-t’en après lui. » À ces mots, il tira de sa poche sa main droite dans laquelle il avait toujours tenu le fatal couteau, et le lança dans la cour ; puis, d’un air tranquille et solennel même, il ferma la fenêtre et conduisit sa sœur par la main vers le siège qu’elle occu-