Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/392

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qu’elle parvint à articuler d’une voix défaillante le monosyllabe Non.

« Par le eiel ! je suis honteux !… je tremble d’exprimer ma pensée !… Clara, quel motif vous fait si obstinément rejeter toute proposition de mariage ?… est-ce que vous vous sentez indigne d’être la femme d’un honnête homme ?… Parlez… la mauvaise renommée s’est attaquée à vous… Parlez… donnez-moi le droit de faire rentrer les mensonges dans la gorge de leurs inventeurs ; et demain matin, quand je me retrouverai parmi eux, je saurai comment traiter quiconque se permettra des réflexions sur votre compte… La fortune de notre maison est détruite, mais qu’aucune langue ne puisse attaquer son honneur… Parlez… parlez, malheureuse fille ?… pourquoi vous taisez-vous ?… — Restez chez vous, mon frère, restez chez vous, répondit Clara, si vous tenez à l’honneur de votre maison… le meurtre ne peut effacer la honte… restez chez vous, et laissez parler de moi comme on le voudra… on n’en saurait dire plus de mal que je n’en mérite. »

Les passions de Mowbray, toujours violentes et indomptables, étaient en ce moment excitées par le vin et par sa course rapide à cheval, et surtout par la perte qu’il avait faite. Il serra les dents et ferma les poings, fixa les yeux à terre, comme s’il eût formé quelque résolution hostile, et murmura d’une voix à peine intelligible : « Ce serait une charité de la tuer. — Oh ! non… non… non ! » s’écria la jeune fille épouvantée, en se jetant à ses pieds, « ne me tuez pas, mon frère ! j’ai souhaité la mort… j’ai pensé à la mort… j’ai demandé la mort dans mes prières… mais il est effroyable de penser qu’elle est si près… Oh ! pas une mort sanglante, mon frère ; pas la mort de votre main ! »

En parlant ainsi elle serrait les genoux de son frère ; ses gestes et son accent exprimaient la plus violente terreur. Ce n’était pas sans raison : la solitude, l’heure avancée, les passions violentes et fortement excitées de son frère, la situation désespérée où il était réduit, tout portait à rendre vraisemblable que quelque acte de fureur serait la conclusion de cette étrange entrevue.

Mowbray leva les mains, sans ouvrir les poings ni lever la tête, pendant que sa sœur restait à terre, tenant ses genoux embrassés de toute sa force, implorant sa compassion et lui demandant la vie.

« Folle, » lui dit-il enfin, « laisse-moi ! Qui s’occupe de ta méprisable vie ?… qui s’inquiète que tu vives ou que tu meures ? Vis, si tu peux, objet de mépris pour tout le monde comme tu l’es pour moi. »