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C’était le portrait de Clara Mowbray, telle qu’il l’avait connue au temps de leur jeune amour ; les traits de la séduisante jeune fille pouvaient encore se retrouver maintenant sur la jolie figure de l’original. Mais qu’étaient devenues les vives couleurs qui avaient embelli ses joues ? Qu’était devenu cet enjouement malin qui pétillait malgré elle dans ses yeux ? et le joyeux contentement qui donnait à toute sa physionomie une expression ravissante ? Hélas ! tous ces charmes s’étaient depuis long-temps évanouis !

« Quelle catastrophe ! s’écria-t-il, et tout cela est l’ouvrage d’un misérable. Puis-je mettre la dernière main à l’œuvre, et devenir l’instrument de la justice divine ? Je ne le puis !… Je resterai ferme dans la résolution que j’ai prise… je sacrifierai tout, rang, position, fortune et renommée, vengeance même !… Oui, la vengeance, dernier bien qui me reste, je la sacrifierai pour assurer à Clara le repos dont elle est encore capable de jouir ! »

Il s’assit dans cette détermination, et écrivit une lettre à la maison de commerce où les documents concernant sa naissance et les autres pièces étaient déposées : il demanda que le paquet qui les contenait lui fût transmis par la poste… Tyrrel n’était ni sans ambition ni sans ce désir de considération personnelle qui accompagne souvent une profonde sensibilité et un esprit ardent. Ce fut d’une main tremblante, mais avec un cœur fermement résolu, qu’il cacheta et envoya la lettre, premier pas vers la renonciation en faveur de son mortel ennemi, de ce rang et de cette position dans le monde qui lui appartenaient par droit d’héritage, et qui étaient restés si long-temps incertains entre eux.


CHAPITRE XXX.

INTRUSION.


Sur ma parole, j’irai avec vous jusqu’au bout de la rue ! je suis une espèce de lierre, je m’accrocherai.
Shakspeare. Mesure pour mesure.


Le capitaine Jekill s’en retournait aux Eaux lorsqu’il fut abordé par Touchwood qui se mit à cheminer avec lui. Jekill tenta long-temps en vain de se débarrasser de la société de cet inconnu qui l’empêchait de se livrer tranquillement à ses réflexions au sujet de l’entretien qu’il venait d’avoir avec Francis Tyrrel. Enfin, ne pouvant eu venir à bout, il se résigna à voyager avec lui. Touchwood dirigea habilement la conversation sur les affaires du comte Éthe-