Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/372

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— Eh bien donc, si je vous proposais quelque arrangement d’après cette base ? Lord Étherington n’a pas l’ardeur d’un amant ; il vit beaucoup dans le monde et désire ne pas le quitter. La santé de miss Mowbray est délicate, son humeur changeante, et la retraite serait probablement de son choix… Supposez qu’un mariage entre deux personnes placées dans une telle position devînt nécessaire ou avantageux pour l’une ou pour l’autre… supposez que ce mariage dût assurer à l’une des parties contractantes un patrimoine considérable, et garantir l’autre des conséquences d’une triste publicité : ce double avantage pourra s’obtenir par la pure formalité d’une cérémonie. Il pourrait y avoir un contrat préalable de séparation avec l’assurance d’un revenu convenable pour la dame, et stipulation de la part du mari de renoncer à vivre jamais avec elle. De pareilles choses arrivent chaque jour, sinon le jour même du mariage, du moins avant que la lune de miel soit passée. Miss Clara aurait ainsi richesses, liberté, et le titre même qu’il vous plairait de lui laisser en supposant vos réclamations fondées. »

Suivit un long intervalle de silence, pendant lequel Francis changea plusieurs fois de physionomie. Jekill, qui l’examinait avec attention, ne le pressait pas de répondre. Enfin il répliqua : « Votre proposition renferme beaucoup de motifs qui pourraient me tenter d’y accéder, comme un compromis par lequel la tranquillité future de miss Mowbray serait en quelque sorte assurée : mais je me fierais plutôt à un serpent venimeux qu’à votre ami. En outre, je suis certain que la malheureuse Clara ne survivrait point s’il lui fallait contracter une pareille union, quand même elle ne devrait passer avec lui que le moment de paraître à l’autel. Il y a encore d’autres objections… »

Il se contint, puis continua d’un ton calme : « Vous pensez peut-être que j’ai des vues d’intérêt personnel dans cette affaire ; et vous pouvez vous croire autorisé à concevoir envers moi les mêmes soupçons que je forme à l’égard de toute proposition venant de votre ami… Je ne puis combattre ces fâcheuses impressions qu’en agissant avec honneur et franchise, et c’est dans un tel esprit que je vous fais à vous-même une autre proposition. Votre ami est attaché au rang, à la fortune, aux avantages du monde, dans la proportion ordinaire du moins où ils sont recherchés par le commun des hommes… Vous m’accorderez ce point, et je ne vous offenserai pas en supposant qu’il le soit davantage. — Je connais peu de gens qui ne désirent pas de tels avantages, et j’avoue franchement que, sous ce rapport, il n’affecte aucunement une indifférence philosophique.