Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/371

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s’arrêta à ce mot, comme s’il lui en eût coûté beaucoup pour le prononcer, et continua ensuite. « Non, monsieur, je ne suis guidé dans cette affaire par aucun motif d’intérêt personnel. J’ai depuis long-temps renoncé à tout… mais je ne souffrirai pas que Clara Mowbray devienne la femme d’un… je veillerai sur elle avec des pensées aussi pures que celles de son ange gardien. J’ai été cause de tous les malheurs qu’elle a éprouvés… C’est moi qui d’abord l’ai engagée à quitter le chemin du devoir… c’est donc moi qui dois la retirer de l’abîme… Je ne croirai jamais que, jouissant de sa raison et d’un esprit calme, elle ait pu consentir à écouter cette proposition… Mais son esprit, hélas ! n’est plus aussi solide qu’autrefois : et votre ami sait bien comment presser le ressort qui peut l’agiter et l’alarmer. Des menaces de publicité peuvent extorquer son consentement à cet abominable mariage, si elles ne la poussent pas au suicide : et c’est par là que tout finira très probablement. Je serai donc fort pour remédier à sa faiblesse. Votre ami, monsieur, doit dépouiller ses propositions de leur faux éclat. J’éclairerai M. Mowbray de Saint-Ronan relativement au titre et à la fortune de celui qui vous envoie ; et j’espère qu’il protégera sa sœur contre les tentatives d’un vil scélérat, quoiqu’il ait pu se laisser éblouir par une alliance avec un riche pair. — Votre cause, monsieur, n’est pas encore gagnée ; et quand elle le serait, votre frère conserverait encore d’assez grandes richesses pour épouser une femme qui vaudrait mieux que miss Mowbray, avec son beau domaine de Nettlewood, dont ce mariage doit le rendre possesseur. Mais je voudrais faire quelque accommodement entre vous, s’il était possible. Vous déclarez, monsieur Tyrrel, mettre de côté tout intérêt privé, toute vue personnelle dans cette affaire, et ne considérer absolument que la sûreté et le bonheur de miss Mowbray. — Tel est, sur mon honneur, l’objet exclusif de mes soins… je donnerais tout ce que je possède au monde pour lui procurer une heure de repos… Quant au bonheur, elle ne le connaîtra jamais. — Vos prévisions sur le malheur futur de miss Mowbray sont, j’imagine ; fondées sur le caractère de mon ami. Vous le regardez comme un homme sans principes, et, parce qu’il a mieux réussi que vous dans une intrigue de jeunesse, vous concluez que maintenant, dans un âge plus avancé et plus calme, le bonheur de celle à qui vous prenez tant d’intérêt ne doit pas lui être confié ? — Je puis avoir d’autres raisons, » répliqua Tyrrel vivement ; « mais celles que vous avez énoncées suffisent pour autoriser mon intervention.