Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent un affreux chorus. Les deux filles prirent une seconde fois la fuite, et se réfugièrent dans l’obscure retraite qu’on nommait leur chambre à coucher, tandis que le postillon bossu courait comme le vent à l’écurie, et, avec un instinct de profession, se mettait déjà, dans son extrême frayeur, à seller un cheval.

« Au nom du diable ! que signifie tout cela ? Pourquoi tout ce désordre ? » s’écria l’étranger à plusieurs reprises.

« Au nom de Dieu ! » répondit enfin la matrone sans oser ouvrir les yeux, « pourquoi revenez-vous ainsi effrayer d’honnêtes gens ? — Et comment donc puis-je vous effrayer ? — N’êtes-vous pas, » dit mistress Dods en se hasardant à rouvrir les yeux, « l’esprit de Francis Tirl ? — Je suis en effet Francis Tyrrel, mais non pas un esprit ; je suis un homme vivant. — Vous n’avez donc pas été assassiné ? — Non pas, que je sache. »

Meg, à force de regarder Tyrrel, avoua enfin qu’après tout c’était bien lui en chair et en os, et toute frayeur cessa. M. Touchwood, tandis qu’on le nettoyait, regarda attentivement Tyrrel, et celui-ci ne tarda point à reconnaître lui-même M. Touchwood, qui lui avait prêté de l’argent à Smyrne. Ils soupèrent ensemble, mais cette fois la curiosité du vieux nabab fut en défaut ; il ne put découvrir le motif qui amenait Tyrrel à Saint-Ronan.


CHAPITRE XXIX.

MÉDIATION.


… Allez-vous-en donc ! Nous ne souffrirons pas maintenant qu’on nous réplique ; nous vous faisons beau jeu, ayez la sagesse d’en profiter.
Shakspeare. Henri IV, première partie.


L’intention de Tyrrel, en se levant de bonne heure, avait été d’éviter une nouvelle entrevue avec M. Touchwood, ayant à s’occuper d’une affaire où l’intervention officieuse de ce personnage l’aurait probablement gêné. Il n’ignorait pas que sa réputation avait été attaquée aux Eaux, et il avait résolu d’en demander une réparation publique, convaincu que, malgré l’importance des autres intérêts qui l’appelaient en Écosse, ils ne devaient passer qu’après le soin de son honneur. Il s’était donc décidé à partir sur-le-champ pour l’hôtel des Eaux, afin d’arriver à l’heure où la société serait réunie pour le déjeuner. Il venait de prendre son chapeau pour