Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/354

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ment dont Clara, si elle eût pu le savoir, ne m’aurait pas remercié. Je fis croire à l’honnête homme, qu’en refusant de prêter son ministère, il empêcherait un trop heureux amant de rendre justice à une fille abusée, et le ministre qui se trouvait avoir quelque chose de romanesque dans le caractère, se détermina, dans des circonstances si urgentes, à célébrer leur mariage, bien que la conséquence pût être une accusation d’irrégularité pour lui-même. Il fut arrêté que les amants se réuniraient à la vieille église quand la nuit commencerait à s’épaissir, et partiraient en poste pour l’Angleterre aussitôt après la cérémonie.

« Quand tout fut arrangé, sauf la fixation du jour, vous ne pourriez concevoir quelles furent la joie et la reconnaissance de mon sage frère. Il se crut au moment d’arriver au septième ciel, au lieu de songer qu’il perdait toutes ses chances de fortune, et qu’il se chargeait, à dix-huit ans, d’une femme qui, sans doute, lui donnerait des enfants. Quoique extrêmement jeune moi-même, je ne pouvais m’abstenir de voir avec étonnement son manque complet de connaissance du monde ; la conscience de la supériorité que j’avais sur lui sous ce rapport me soutenait contre les accès de jalousie qui me prenaient toujours, quand je pensais qu’il remportait un prix inestimable que sans mon adresse il n’aurait jamais obtenu… Mais dans cet instant critique, je reçus de mon père une lettre qui, après avoir successivement passé par nos différents domiciles, me parvenait enfin à Marchthorn.

« C’était une réponse à une de mes épîtres, où j’avais, pour remplir la page d’une respectueuse longueur, jeté quelques mots sur la famille de Saint-Ronan, dans le voisinage de laquelle je me trouvais alors. Je ne me doutais pas de l’effet que ce nom devait produire sur l’esprit de mon très honorable père ; mais sa lettre m’en informa suffisamment. Il m’engageait à cultiver aussi intimement que possible la connaissance de M. Mowbray, et même, au besoin, à lui avouer nos véritables noms ; et de peur que cette admonition paternelle ne fût négligée, Sa Seigneurie me confia le secret du testament et des dernières volontés de mon grand oncle maternel, M. S. Mowbray, qui, à ma grande surprise, léguait un domaine magnifique et considérable au fils aîné du comte d’Étherington, à condition qu’il épouserait une femme de la famille Mowbray, de Saint-Ronan. Comme je demeurai stupéfait ! C’était moi qui avais tout préparé pour le mariage de Francis avec la fille dont la main lui assurait richesse et indépendance !