Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/347

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yeux, « qui possède un sang-froid admirable ! il tire sur le fils de son père avec aussi peu de remords que s’il tirait au blanc… comment me traiterait-il donc, moi, si nous venions à nous quereller ? Eh bien ! je mouche une chandelle avec une balle, et je perce l’as de cœur : si donc les choses allaient mal entre nous, ce n’est point à un blanc-bec qu’il aurait affaire, mais à John Mowbray. »

Cependant le comte d’Étherington, de retour à l’hôtel, monta dans son appartement ; et, peu satisfait des événements de la journée, il se mit à écrire à son correspondant et son confident, le capitaine Jekill, une lettre que nous sommes heureusement à même de présenter à nos lecteurs :

« Mon cher Harry,

« On dit qu’on peut prévoir la chute d’une maison lorsque les rats la quittent, reconnaître un état en décadence par la désertion des confédérés et des alliés, et un homme qui succombe par l’abandon de ses amis : si cet augure est bien fondé, votre dernière lettre peut être regardée comme de sinistre présage. Il me semble que vous êtes allé assez loin, et que toujours je vous ai fait partager assez libéralement avec moi, pour que vous ayez quelque confiance dans mon savoir-faire, quelquefois en mes moyens et mes ressources. Quel démon insensé peut vous avoir tout-à-coup inspiré des doutes politiques et des scrupules de conscience ? Je ne puis regarder tout cela que comme des symptômes de crainte et de désaffection. Vous ne pouvez comprendre, dites-vous, un duel entre si proches parents ; ensuite, l’affaire vous semble délicate ; puis les choses ne vous ont jamais été pleinement expliquées ; et enfin, si je veux que vous preniez une part active à l’affaire, il faut que je vous honore d’une confiance pleine et entière ; sinon, comment pourriez-vous me rendre les services que je vous demande ? Telles sont vos propres expressions.

« Or, quant aux scrupules de conscience, sachez donc que tout s’est passé sans malheur, et il n’est pas probable que la chose se présente de nouveau. En outre, n’avez-vous jamais ouï parler de querelles entre amis ? Et, le cas advenant, ne doivent-ils pas jouir du privilège ordinaire des gens d’honneur ? D’ailleurs comment savoir si ce maudit drôle est réellement mon parent ? Quant à la confiance pleine et sans réserve… le fond de l’affaire, c’est qu’Harry Jekill en sait assez déjà sur le compte du noble lord Étherington pour obliger Sa Seigneurie à lui conter toute son histoire. Un autre que moi, mon honnête Harry, prendrait la peine de vous rappeler