Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/336

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rocher, le lit desséché d’un torrent, seront mon asile, plutôt qu’un palais où je ne serais pas libre. — Vous vous abusez, » reprit Mowbray gravement, « si vous espérez plus de liberté que je ne le crois convenable dans votre intérêt. La loi veut, la raison et mon affection pour vous exigent que, pour votre salut et pour votre honneur, vous ne soyez pas délivrée de toute surveillance. Vous couriez un peu trop les bois du temps de notre père, si tout ce qu’on dit est vrai. — Il se peut, Mowbray, » répondit Clara en pleurant ; « le ciel me puisse prendre en pitié et vous pardonne de me reprocher le triste état de mon esprit !… Je sais que parfois je ne puis me confier à ma propre raison ; mais était-ce à vous, mon frère de m’en faire souvenir ? —

Mowbray se sentit adouci et embarrassé.

« Quelle est cette folie ? répliqua-t-il ; vous me dites les choses les plus piquantes… vous êtes prête à abandonner ma maison ; et quand vous m’avez poussé à vous répondre avec colère, vous vous mettez à pleurer. — Dites-moi, mon cher John, que vous ne pensiez pas ce que vous venez de me dire, s’écria Clara ; oh ! dites-le-moi !… ne me privez pas de ma liberté… c’est le seul bien qui me reste… et, Dieu le sait, c’est une faible consolation au milieu de tous les chagrins qui m’accablent. Je ferai tout ce qui vous sera agréable… j’irai aux Eaux quand vous le voudrez… je m’habillerai comme vous le désirerez… mais, au nom du ciel ! laissez-moi libre dans ma solitude… laissez moi pleurer sans témoins dans la maison de mon père… ne réduisez point votre infortunée sœur à mourir sur le seuil de votre porte. Le temps de ma vie sera court ; mais n’agitez point la poussière du sablier… ne me tourmentez pas… laissez-moi passer ma vie en paix… je vous le demande plus encore pour vous que pour moi. Je voudrais, Mowbray, quand je ne serai plus, que vous puissiez penser quelquefois à votre sœur sans être troublé par des réflexions amères. Ayez pitié de moi dans votre intérêt même… Je n’ai mérité de vous que la compassion.. Nous ne sommes que deux sur la terre : pourquoi l’un rendrait-il l’autre misérable ? »

Ses touchantes supplications furent suivies d’un torrent de larmes et de sanglots déchirants. Mowbray ne savait quel parti prendre : d’un côté, il était lié par la promesse qu’il avait faite au comte ; de l’autre, sa sœur n’était pas en état de recevoir une telle visite ; bien plus, s’il usait de son autorité pour la forcer à voir Étherington, elle se conduirait avec lui de façon à détruire entièrement les projets sur lesquels lui, Mowbray, avait déjà bâti tant de châteaux en Es-