Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/312

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sa nouvelle dignité : elle se conformait donc sans peine au goût de son fils qui voulait ne voir personne ; elle passait son temps à surveiller le ménage et à éviter de son mieux tous les embarras qui auraient pu forcer Josiah à quitter ses livres. Mais lorsque la vieillesse la rendit moins active, elle se mit à regretter que son fils fût incapable de vaquer aux affaires intérieures de la maison, et lâcha quelques mots sur le mariage, sur les inconvénients du célibat. À ces admonitions M. Cargill ne répondit que d’une façon évasive ; et lorsque la vieille dame s’endormit dans le cimetière du village, à un âge assez avancé, il ne se trouva plus personne pour diriger la maison du ministre. À vrai dire, Josiah Cargill ne chercha point à la remplacer : il se soumit patiemment à tous les inconvénients du célibat ; et ils égalaient au moins pour lui ceux dont fut assiégé le fameux Mago Pico pendant son état de garçon. Son beurre était mal battu et déclaré non mangeable par tout le monde, excepté par lui et la femme qui le faisait ; son lait avait toujours mauvais goût ; on lui volait ses fruits et ses légumes ; enfin ses bas noirs étaient raccommodés avec du fil bleu et blanc.

Mais le ministre ne s’apercevait de rien, car son esprit était occupé de choses bien différentes. Que mes jolies lectrices n’aillent pas rendre plus que justice à Josiah, ou supposer que, comme le beau Ténébreux dans le désert, il demeura victime d’une passion malheureuse : non… il faut le dire à la honte du sexe masculin, il n’est pas d’amour sans espoir, si ardent et si sincère qu’il soit, qui puisse remplir toute la vie d’amertume. Il faut qu’il y ait espérance… qu’il y ait incertitude… qu’il y ait réciprocité, pour permettre au tyran des cœurs d’établir un empire de longue durée sur un esprit bien constitué, qui désire sa liberté. Le souvenir d’Augusta s’était depuis long-temps effacé de sa mémoire, ou bien il n’y songeait plus que comme à un rêve agréable, qui laisse cependant une impression mélancolique : il ne s’occupait qu’à rechercher les faveurs d’une maîtresse encore plus noble et plus difficile, et cette maîtresse unique était la science.

Toutes les heures qu’il pouvait dérober à ses devoirs ecclésiastiques étaient consacrées à l’étude et passées au milieu des livres. Mais cette avidité de savoir, quoique belle et intéressante en elle-même, allait à un excès tel qu’elle en devenait moins respectable et moins utile : il oubliait, au milieu de ses profondes et minutieuses recherches, que la société a des droits, et que les connaissances qu’on ne communique à personne sont stériles comme le trésor en-