Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/305

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ne pensait plus ni aux sultanes ni aux harems. Enfin une idée lumineuse lui vint à l’esprit, et il demanda tout-à-coup à mistress Dods, qui lui servait du thé pour son déjeuner dans une vaste tasse d’une espèce particulière de porcelaine chinoise dont il lui avait offert un service complet, à condition qu’elle lui verserait elle-même et tous le jours le délicieux breuvage :

« S’il vous plaît, mistress Dods, quelle espèce d’homme est votre ministre ? — Un homme tout-à-fait comme les autres, monsieur Touchwood ; quelle espèce d’homme pourrait-il donc être ? — Un homme comme les autres ?… oui… c’est-à-dire qu’il a, suivant l’usage, sa paire de jambes et de bras, d’yeux et d’oreilles… mais est-ce un homme sensé ? — Pas extrêmement, monsieur ; car, s’il buvait ce thé que vous avez fait venir de Londres par la poste, il le prendrait pour du thé bou commun. — Alors il n’a point tous ses organes… il lui manque un nez, ou du moins il ne sait pas s’en servir : ce thé est de la vraie poudre à canon… un bouquet parfait. — Oh ! c’est fort possible ; mais j’ai donné un jour au ministre un petit verre de ma meilleure bouteille de véritable eau-de-vie de Cognac, et puissé-je ne pas échapper au démon, s’il n’a point dit, après l’avoir bue, que c’était un excellent whisky ! Il n’y a absolument que lui dans tout le presbytère, et même dans tout le synode, pour ne pas savoir distinguer le whisky de l’eau-de-vie. — Mais quelle sorte d’hommes est-ce ? est-il savant ? — Savant ?… bien assez, stupide même à force de science ; ne s’inquiétant guère comment tout va dans sa paroisse pourvu qu’on le laisse en repos. C’est désolant de voir une maison si mal tenue !… Si j’avais seulement pour une semaine à mes gages les deux paresseuses qui servent l’honnête homme, je crois que je leur montrerais à tenir un logement. — Prêche-t-il bien ? — Oui, assez bien, assez bien… parfois il lui arrive de lâcher un grand mot ou une bribe de science que nos fermiers et nos lairds à bonnet ne peuvent pas trop comprendre… mais qu’importe ? comme je leur dis toujours… ceux qui le paient doivent en avoir pour leur argent. — Habite-t-il toujours la paroisse ? est-il bon pour les pauvres ? — Trop bon, beaucoup trop bon, monsieur Touchwood. Je vous garantis qu’il exécute à la lettre les préceptes de l’Évangile, et qu’il ne tourne jamais le dos quand on lui demande… ses poches sont toujours dévalisées par une bande de vauriens et de scélérats qui s’en vont tendant la main par tout le pays. — Tendant la main par tout le pays ? Que diriez-vous donc, mistress Dods, si vous aviez vu les fakirs, les der-