Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/269

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entre le dédain et la politesse, « vous ne pouvez supposer que je fasse allusion à la société actuelle. J’ai peine à supporter le drôle, » ajouta-t-il à voix basse à son confident, « et cependant ce serait une folie de me fâcher pour rien ; ainsi, honnête Mick, je me tiendrai aussi tranquille que possible. »

En parlant de la sorte, il recula sa chaise, et, regis ad exemplar, toute la compagnie se leva de table.

Pendant que chacun prenait son chapeau pour rejoindre les dames, Tyrrel demanda à un valet assez déluré de lui faire passer le chapeau qui se trouvait sur la table derrière lui. « Appelez votre domestique, monsieur, » lui répondit insolemment le laquais.

« Votre maître, répliqua Tyrrel, aurait dû vous enseigner la politesse, mon ami, avant de vous amener ici. — Sir Bingo Binks est mon maître, » dit le manant du même ton d’insolence.

« Oui ! » s’écria sir Bingo, d’un ton de voix plus articulé que de coutume… « Cet individu est mon domestique… qu’est-ce qu’on y trouve à redire ? — J’ai au moins la bouche close, » répondit Tyrrel avec un grand sang-froid ; « j’aurais été surpris de trouver le domestique de sir Bingo mieux élevé que lui-même. — Qu’entendez-vous par là, monsieur, » demanda sir Bingo, prenant une attitude hostile ; « je vais vous servir un plat de ma façon avant que vous ayez eu le temps de dire gare. — Et moi, sir Bingo, à moins que vous ne vous défassiez de ce regard et de ces manières, je vais vous étendre sur le carreau avant que vous ayez eu le temps de crier au secours. »

L’étranger tenait en main un gourdin de chêne qu’il fit légèrement voltiger de manière à annoncer quelques connaissances dans le noble art du bâtonniste. D’après cette démonstration, sir Bingo jugea prudent de battre un peu en retraite. Ses amis néanmoins, dans leur zèle pour son honneur, eussent préféré qu’il se fît rompre les os en se battant bravement, plutôt que de le voir compromis par une retraite déshonorante.

Tyrrel paraissait disposé à les contenter, lorsqu’au moment où il leva la main, une voix murmura à son oreille : « Êtes-vous un homme ? » Aussitôt il oublia tout ; sa querelle, la circonstance, la compagnie, tout disparut à ses yeux ; il ne s’occupa que de suivre la personne qui avait parlé ; mais elle était sortie, et parmi les visages qui l’entouraient il ne s’en trouva pas un à qui il pût attribuer le son de voix qui avait eu tant d’empire sur lui.

« Place ! » s’écria-t-il alors, s’adressant à ceux qui l’environ-