Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/267

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à l’impatience et à la contrariété qu’elles éprouvent de la présence les unes des autres : l’esprit de rivalité qui les anime se trahit par un aboiement et un coup de dent soudain, dans lequel elles visent à l’effet autant que possible. Mais ces ébullitions d’humeur acariâtre ne mènent point à un conflit sérieux : l’affaire commence et finit en un instant. Il n’en est pas ainsi de la colère des mâles ; long-temps elle se manifeste et s’excite par des grognemens qui ajoutent à l’offense et marquent le défi ; enfin éclate un combat terrible et acharné : si les partis sont chiens de bonne race et d’égale force, ils se mordent, se saisissent à la gorge, se déchirent et se roulent dans le chenil : on ne peut les séparer qu’en leur serrant le cou avec leurs propres colliers, jusqu’à ce que, ne pouvant plus respirer, ils lâchent enfin prise ; ou bien on les tire par surprise de leur colère en les arrosant d’eau froide.

La comparaison, quoiqu’un peu grossière, peut s’appliquer à la race humaine. Tandis que dans la salle où l’on prenait le thé, les dames se donnaient les petits coups de dents et engageaient les légères escarmouches que nous avons décrits, les hommes, restés dans la salle à manger, furent plus d’une fois sur le point d’en venir à une querelle plus sérieuse.

Nous avons parlé des raisons puissantes qui portaient M. Mowbray à regarder Tyrrel avec une prévention défavorable ; elle n’était point diminuée par son air d’aisance que le jeune laird considérait comme présomptueux.

Quant à sir Bingo, il nourrissait contre lui le genre de haine qu’éprouve un esprit bas pour un antagoniste devant lequel il a le sentiment d’avoir fait une retraite déshonorante. Le vin lui donna le courage dont il manquait à jeun, et il s’aventura en plusieurs occasions à montrer sa rancune, en contredisant Tyrrel plus ouvertement que la politesse ne le permettait. Tyrrel vit sa mauvaise humeur et la méprisa comme celle d’un grand écolier qui ne valait pas la peine qu’on répondît à ses sottises.

La conversation étant tombée sur la chasse, Tyrrel parla d’un chien couchant d’une rare beauté, qu’il attendait la semaine suivante.

« Un chien couchant ! » répliqua sir Bingo en ricanant ; « vous voulez dire un chien d’arrêt, je suppose. — Non, monsieur, reprit Tyrrel ; je connais parfaitement la différence qui existe entre un chien couchant et un chien d’arrêt, et je sais que le premier est passé de mode. Mais j’aime mon chien autant comme un compa-