Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/252

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fussent maintenant un peu trop prononcés pour que cette qualification leur convînt. Son nez s’était effilé, ses joues avaient perdu la rondeur de la jeunesse ; et comme, durant quinze ans qu’avait duré le règne de sa beauté, l’homme qui lui convenait n’avait point parlé, ou du moins ne l’avait pas fait en temps convenable, Sa Seigneurie, rendue suffisamment indépendante par l’héritage d’une vieille parente, parlait avec éloge de l’amitié, commençait à ne plus aimer la ville pendant l’été, et à faire de la verdure des champs l’objet favori de ses conversations.

Vers l’époque où lady Pénélope avait ainsi changé son genre de vie, elle avait été assez heureuse, avec l’aide du docteur Quackleben, pour découvrir les vertus des eaux de Saint-Ronan. S’étant établie directrice de la mode dans le petit empire qu’elle avait en grande partie découvert et colonisé, elle désirait à juste titre s’approprier l’hommage et les tributs de tous ceux qui toucheraient son territoire.

Sous tout autre rapport, lady Pénélope ressemblait assez à une classe de femmes bien nombreuse de nos jours. Elle avait au fond de bons principes ; mais trop légère pour leur permettre de contrôler ses fantaisies, elle ne se montrait point très scrupuleuse dans le choix de sa société. Douée d’un bon naturel, mais capricieuse et originale, elle aimait à être obligeante ou généreuse quand cela ne contrariait pas ses goûts et ne lui coûtait pas trop de peine. Elle aurait servi partout de chaperon à une jeune personne à laquelle elle s’intéressait, mais elle ne s’inquiétait jamais des étourderies et des inconséquences de celles qui lui étaient confiées, de sorte qu’auprès d’une nombreuse classe de demoiselles Sa Seigneurie passait pour la plus délicieuse créature qui fût au monde. D’un autre côté, lady Pénélope avait tant vécu dans le monde, savait si à propos parler, ou bien éviter une discussion embarrassante en prétextant son ignorance, tandis que le jeu de sa figure semblait prouver le contraire, que si l’on s’apercevait qu’elle ne savait rien, c’était seulement quand elle voulait paraître tout savoir. Mais ce dernier cas se présentait de plus en plus fréquemment : elle semblait supposer que de nouvelles lumières, selon l’expression du poète, se faisaient jour dans son esprit à travers les brèches du temps. Plusieurs de ses amis cependant pensaient que lady Pénélope eût mieux consulté son génie en demeurant dans sa médiocrité comme une femme bien née et bien élevée, au lieu de faire parade de ses prétentions nouvelles au bon goût et au rôle de protectrice ; mais ce n’était pas son