Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/237

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On a eu généralement recours à des comités d’administration choisis parmi les habitués les plus constants, comme à un mode d’autorité plus libéral, et c’est à un pareil pouvoir qu’était confiée l’administration de la république naissante des eaux de Saint-Ronan. Il est bon d’observer que ce petit sénat avait une tâche passablement difficile à remplir ; car ses sujets, comme ceux de beaucoup d’autres états, étaient divisés en deux factions rivales, qui tous les ours mangeaient, buvaient, dansaient et se divertissaient ensemble, se haïssant d’ailleurs avec toute l’animosité des partis politiques, essayant par tous les moyens de s’assurer l’adhésion de chaque nouveau venu, et tournant en ridicule leurs absurdités et leurs folies réciproques avec tout l’esprit et toute l’amertume dont elles étaient capables.

À la tête de l’un de ces partis se trouvait un personnage important, lady Pénélope Penfeather elle-même, à qui l’établissement devait sa renommée, son existence, et dont l’influence ne pouvait être balancée que par celle du lord du manoir. Celui-ci, M. Mowbray de Saint-Ronan, ou, comme il était habituellement appelé par la compagnie, le Squire, était le chef de la faction opposée.

Le rang et la fortune de la dame, ses prétentions égales à la beauté et au talent (quoique la première fût un peu surannée), l’importance qu’elle se donnait comme femme à la mode, tout cela attirait autour d’elle des peintres, des poètes, des philosophes, des savants, des professeurs, des aventuriers étrangers, et hoc genus omne.

De l’autre côté, comme chef d’une noble famille et propriétaire du pays même, qui entretenait avec soin une meute complète, et pouvait au moins parler de chevaux de chasse et de course, le laird s’assurait l’appui de tous les chasseurs grands et petits des trois comtés voisins : avait-il besoin d’une séduction de plus pour se les attacher, il pouvait accorder à ses favoris le privilège de chasser dans ses marais, ce qui suffit en tout temps pour tourner la tête d’un jeune Écossais. M. Mowbray venait d’être récemment appuyé dans sa prééminence par une étroite alliance avec sir Bingo Binks, prudent baronnet anglais, qui, honteux, comme bien des gens le pensaient, de retourner dans son pays, s’était établi aux Eaux de