Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/142

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moi de votre babil, quelque bien intentionné qu’il soit. — Oh ! vous ne me ferez pas renoncer à ma vigoureuse argumentation, » dit de Valence en riant et en se versant une coupe pleine de vin ; « si vous avouez que vous êtes vaincu, je consentirai à attribuer cette victoire à la force inspiratrice de cette joyeuse liqueur. — Comme il vous plaira ; mais laissez ce sujet auquel vous ne pouvez rien entendre. — Je nie cette inculpation, » répliqua le jeune chevalier en s’essuyant les lèvres, après avoir vidé la grande coupe ; « écoutez donc, de Walton-l’Intrépide, un chapitre de l’histoire des femmes, que vous ne connaissez pas aussi bien que je le désirerais. Vous ne pourriez nier que, soit à tort, soit à raison, votre lady Augusta ne se soit aventurée plus loin avec vous qu’il n’est ordinaire dans la carrière amoureuse ; elle vous a choisi hardiment lorsque vous n’étiez encore connu d’elle que comme une fleur de la chevalerie anglaise… J’estime beaucoup cette franchise… mais c’était un choix que les personnes plus froides de son sexe prétendraient peut-être appeler téméraire et précipité. Ne vous offensez pas, je vous prie ; je suis loin de le penser ou de le dire ; au contraire, je soutiendrai de ma lance que la préférence qu’elle accorde à sir John de Walton sur les mignons de la cour est sage et généreuse, et que cette conduite est à la fois candide et noble. Mais elle-même doit sans doute craindre d’injustes interprétations ; et cette crainte peut la porter à saisir une occasion de montrer à son amant une rigueur extraordinaire, pour balancer la franchise singulière des précédents encouragements. Même il est possible à un amant de prendre si bien parti contre lui-même, que la femme ensuite ne puisse échapper à son propre argument. Comme une fille qu’on prend au mot dès son premier refus, elle ne pourra ni se mettre d’accord avec ses propres sentiments, ni rétracter une sentence rendue avec le consentement de la partie dont elle détruit les espérances. — Je vous comprends, de Valence, répliqua le gouverneur du château de Douglas, et il ne m’est pas difficile d’admettre que ces observations peuvent être justes à l’égard de plus d’un cœur féminin, mais non quand il s’agit d’Augusta Berkely. Sur ma vie ! je déclare que j’aimerais mieux être privé du mérite de ces exploits chevaleresques qui m’ont acquis, dites-vous, une réputation enviable, qu’agir avec insolence en m’appuyant sur ces exploits, comme si je disais que ma place dans le cœur de cette dame m’est trop fermement assurée pour que je puisse en être expulsé par le mérite d’un autre homme, ou par une si grande