Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/115

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Brigitte, mais simplement… — Allez, père, vous ne pouvez pas achever, attendu que le gouverneur et moi nous savons bien à quel prix les moines de Sainte-Brigitte exercent leur hospitalité. De quelle manière cette hospitalité a-t-elle été reçue par le jeune garçon ? voilà ce qu’il est plus utile de demander. — Avec une extrême douceur, une excessive indulgence, noble chevalier. D’abord, il est vrai, j’avais craint que mon hôte ne fût un peu exigeant, car sa libéralité envers le couvent était de telle nature qu’elle pouvait l’encourager, et même jusqu’à un certain point l’autoriser à vouloir être mieux traité que nous ne l’aurions pu faire. — Auquel cas vous auriez eu la douleur de rendre une partie de l’argent que vous aviez reçu. — C’eût été une manière d’arranger les choses contraire à nos vœux. Ce qui est payé au trésor de la Sainte ne peut, suivant notre règle, être restitué sous aucun prétexte. Mais, noble chevalier, il n’a été question de rien de semblable : une croûte de pain blanc et une écuelle de lait, voilà tout ce qu’il fallait pour nourrir ce pauvre jeune homme pendant un jour, et ç’a été mon inquiétude particulière pour sa santé qui m’a disposé à faire mettre dans sa cellule un lit plus doux et une couverture meilleure que ne le permettent les règles de notre ordre. — Maintenant, écoutez bien ce que j’ai à vous dire, sire abbé, et répondez-moi franchement. Quelles ont été les relations de ce jeune homme avec les personnes du couvent, avec les gens du dehors ? Interrogez votre mémoire sur ce point, et que votre réponse soit précise, car la sûreté de votre hôte et la vôtre même en dépendent. — Aussi vrai que je suis chrétien, je n’ai rien remarqué qui puisse servir de fondement aux soupçons de Votre Seigneurie. Le jeune Augustin, contrairement à l’usage des jeunes gens qui ont été élevés dans le monde, comme je l’ai souvent observé, montrait une préférence marquée pour la compagnie des sœurs que renferme le monastère de Sainte-Brigitte, négligeant celle des moines, mes frères, quoiqu’il se trouve parmi eux des hommes dont la conversation est fort agréable. — Une mauvaise langue pourrait expliquer le motif de cette préférence. — Non pas lorsqu’il s’agit des sœurs de Sainte-Brigitte, dont la plupart ont été complètement maltraitées par l’âge, ou dont la beauté a toujours été détruite par quelque malheur avant qu’elles aient été reçues dans la solitude de cette maison. »

Le bon père fit cette observation avec une espèce de gaîté intérieure qu’excita apparemment en lui l’idée que les nonnes de Sainte-Brigitte eussent pu conquérir, des cœurs par leurs charmes