Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scure descente au milieu de pierres éparses et d’autres obstacles, sans atteindre de sa lance l’objet de sa poursuite. Bref il parcourut au grand galop, mais souvent forcé de s’interrompre, une descente d’environ cinquante ou soixante toises, sans avoir aucune raison de supposer qu’il eût dépassé la figure qui lui avait apparu : la rue était si étroite qu’il ne pouvait l’avoir rencontré sans le toucher, à moins que cheval et cavalier ne se fussent dissipés comme une bulle d’air, au moment de la rencontre. Cependant les soldats qui galopaient derrière sir Aymer étaient frappés d’une espèce de terreur surnaturelle qu’une multitude d’aventures singulières attachait pour la plupart d’entre eux au nom de Douglas ; et quand le chevalier parvint à la porte qui terminait cette rue difficile, il n’était plus suivi que par Fabian : toutes les suggestions de la peur n’avaient pu empêcher ce brave écuyer d’entendre la voix de son cher maître.

Il y avait en cet endroit un poste d’archers anglais qui commençaient à fuir, en proie aux plus vives alarmes, lorsque de Valence et son page arrivèrent au milieu d’eux : « Coquins ! s’écria de Valence, pourquoi n’étiez-vous pas en faction ? quel est l’individu qui tout à l’heure a passé ici en poussant le cri des traîtres : « Douglas ! » — Nous ne savons ce que vous voulez dire, répliqua le commandant du poste. — C’est-à-dire, infâmes coquins, que vous aviez trop bu et que vous dormiez. »

Les hommes protestèrent du contraire, mais d’une manière si confuse, qu’ils ne parvinrent pas à dissiper les soupçons de sir Aymer. Il demanda à grands cris des lanternes, des torches et des flambeaux ; et le peu d’habitants restés dans la ville commencèrent à se montrer, quoique avec répugnance, apportant tout ce qu’ils se trouvaient avoir en fait de matériaux propres à donner de la lumière. Ils écoutèrent avec surprise le récit du jeune chevalier anglais, et quoiqu’il leur fût confirmé par tous les hommes de sa suite, ils ne parurent ajouter aucune foi à cette histoire : de leur côté, les Anglais, pour une raison ou pour une autre, ne souhaitaient pas en venir à une querelle avec les habitants de l’endroit, sous prétexte qu’ils avaient reçu de nuit dans leur ville un partisan de leur ancien seigneur. Ceux-ci protestèrent donc qu’ils étaient innocents de la cause de tout ce tumulte, et tâchèrent de paraître actifs à courir de maison en maison et de coin en coin avec leurs torches, pour découvrir le cavalier invisible. Si d’une part les Anglais les soupçonnaient de trahison, de l’autre les Écossais s’imaginaient que toute cette affaire n’était qu’un prétexte inventé par le