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CHAPITRE V.

ENTRETIENS AU PALAIS.


L’orage augmente… ce n’est point une averse suivie d’un rayon de soleil, et nourrie dans l’humide sein de mars et d’avril ; ou telle que celle dont l’été rafraîchit ses lèvres brûlantes. Les cataractes des cieux sont ouvertes, leurs profondeurs les plus reculées s’appellent entre elles d’une voix rauque et retentissante ; les flots écumants s’avancent menaçants d’horreur ; et où est la digue qui les arrêtera ?
Le Déluge, poème.


Le personnage remarquable qui entra était un noble grec, d’une taille imposante, dont le costume était orné des marques de toutes les dignités, excepté celles qu’Alexis avait consacrées exclusivement à la personne même de l’empereur, et à celle du Sebastocrator, dont il avait fait le premier dignitaire de la cour grecque après le monarque lui-même. Nicéphore Brienne était dans la fleur de la jeunesse, il possédait encore dans tout son éclat cette mâle beauté qui avait rendu son alliance agréable à Anne Comnène ; tandis que des considérations politiques et le désir de trouver dans les membres d’une famille puissante des adhérents dévoués au trône recommandaient cette union à l’empereur.

Nous avons déjà donné à entendre que la royale épouse avait sur son époux, quoiqu’à un faible degré, l’avantage très douteux des années. Nous avons eu un échantillon des talents littéraires de cette princesse ; néanmoins les mieux informés ne pensaient pas qu’à l’aide de ces droits à son respect Anne Comnène eût réussi à s’assurer l’attachement illimité de son noble mari. La traiter avec une négligence visible, c’est ce que la proximité du trône rendait impossible ; d’un autre côté la famille de Brienne était trop puissante pour souffrir que personne, pas même l’empereur, dictât des lois à Nicéphore. Il était doué, disait-on, de talents propres à la paix et à la guerre : on écoutait ses avis et on avait recours à son assistance, de sorte qu’il prétendait à une liberté complète en ce qui concernait l’emploi de son temps ; il venait avec un peu moins d’assiduité dans le temple des Muses que la déesse du lieu ne l’aurait désiré, ou que l’impératrice Irène n’était disposée à l’exiger au nom de sa fille. L’humeur facile d’Alexis observait une espèce de neutralité dans ces mésintelligences, et cherchait autant que possible