CHAPITRE V.
ENTRETIENS AU PALAIS.
Le personnage remarquable qui entra était un noble grec, d’une taille imposante, dont le costume était orné des marques de toutes les dignités, excepté celles qu’Alexis avait consacrées exclusivement à la personne même de l’empereur, et à celle du Sebastocrator, dont il avait fait le premier dignitaire de la cour grecque après le monarque lui-même. Nicéphore Brienne était dans la fleur de la jeunesse, il possédait encore dans tout son éclat cette mâle beauté qui avait rendu son alliance agréable à Anne Comnène ; tandis que des considérations politiques et le désir de trouver dans les membres d’une famille puissante des adhérents dévoués au trône recommandaient cette union à l’empereur.
Nous avons déjà donné à entendre que la royale épouse avait sur son époux, quoiqu’à un faible degré, l’avantage très douteux des années. Nous avons eu un échantillon des talents littéraires de cette princesse ; néanmoins les mieux informés ne pensaient pas qu’à l’aide de ces droits à son respect Anne Comnène eût réussi à s’assurer l’attachement illimité de son noble mari. La traiter avec une négligence visible, c’est ce que la proximité du trône rendait impossible ; d’un autre côté la famille de Brienne était trop puissante pour souffrir que personne, pas même l’empereur, dictât des lois à Nicéphore. Il était doué, disait-on, de talents propres à la paix et à la guerre : on écoutait ses avis et on avait recours à son assistance, de sorte qu’il prétendait à une liberté complète en ce qui concernait l’emploi de son temps ; il venait avec un peu moins d’assiduité dans le temple des Muses que la déesse du lieu ne l’aurait désiré, ou que l’impératrice Irène n’était disposée à l’exiger au nom de sa fille. L’humeur facile d’Alexis observait une espèce de neutralité dans ces mésintelligences, et cherchait autant que possible