Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/9

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réfié du sommet des montagnes l’est à la constitution physique de son enveloppe mortelle ?… C’est une question que je ne suis pas appelé à décider ; mais il est certain que nous découvrons souvent dans les ouvrages des plus distingués de cette classe d’hommes des signes d’égarement qui ne se présentent pas aussi souvent dans ceux des personnes à qui la nature a donné une imagination moins rapide ou moins ambitieuse dans son vol.

Il est pénible de voir le grand Michel Cervantès lui-même se défendre, comme les enfans des hommes vulgaires, contre les critiques qui le poursuivaient touchant ces petites incorrections qui sont sujettes à obscurcir la marche même d’un esprit comme le sien, lorsqu’il arrive à la fin de sa journée.. Fort souvent, fait-il dire à don Quichotte, il arrive aux hommes qui se sont acquis une très grande réputation par des œuvres manuscrites, de la perdre ensuite entièrement, ou du moins en grande partie, lorsqu’ils ont subi l’épreuve de la publication. — La raison en est simple, répond le bachelier Carrasco ; on découvre plus aisément des fautes dans un ouvrage imprimé, car alors on le lit davantage, et on l’examine de plus près ; la sévérité est d’autant plus grande que l’auteur a été plus prôné. Ceux qui se sont fait un nom par leur génie, les grands poètes et les historiens illustres, sont presque toujours l’objet de l’envie d’une classe d’hommes qui se plaisent à censurer les écrits des autres, bien qu’eux-mêmes ils n’aient jamais pu en produire aucun. — Cela n’est pas étonnant, dit don Quichotte ; il y a beaucoup de théologiens qui ne ferraient que de très lourds prédicateurs et qui cependant ont l’esprit très vif lorsqu’il s’agit de découvrir des fautes et des longueurs dans les sermons des autres. — Vous avez raison, il serait à désirer que de tels censeurs voulussent bien être un peu plus indulgents et moins scrupuleux, et ne s’attachassent pas avec aussi peu de générosité à de faibles taches qui ne sont, pour ainsi dire, que des grains de poussière sur la surface d’un astre éclatant. Si quandoque bonus dormitat Homerus qu’ils considèrent combien de nuits il a veillé pour rendre son ouvrage aussi parfait que possible. Il peut même arriver en beaucoup de cas que ce que l’on censure comme une faute soit plutôt une beauté, de même que les signes ajoutent souvent à l’agrément du visage. En résumé celui qui publie un livre court de grands risques ; Il n’est pas probable que les différentes parties de son œuvre forment un ensemble qui puisse satisfaire tous les lecteurs. — Bien certainement, mes aventures ne peuvent avoir plu qu’à un bien