Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/89

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constances difficiles. Il est vrai que la bonne volonté des troupes elles-mêmes y aida beaucoup ; les cohortes romaines, appelées les Immortels, ne montraient pas moins de désir de reculer à l’arrière-garde que les Varangiens en manifestaient d’occuper la place que les Immortels laissaient vacante en tête de la colonne. Ce mouvement s’exécuta avec tant de bonheur, qu’avant l’arrivée de Varanes et de ses Arabes, l’avant-garde se trouva formée de la garde inébranlable des soldats du Nord. J’eusse pu avoir recours à mes yeux comme à de sûrs témoins de ce qui arrivait. Mais, pour confesser la vérité, mes yeux étaient peu habitués à considérer de pareils spectacles. Je n’aperçus de la charge de Varanes qu’un épais nuage de poussière poussé rapidement en avant, à travers lequel on voyait briller les pointes des lances et flotter les aigrettes de cavaliers coiffés de turbans à peine visibles. Les cris du tecbir retentirent avec une telle force, que je reconnus à peine le son des timbales et des cymbales d’airain qui l’accompagnaient. Mais cette violente et furieuse attaque fut soutenue si efficacement qu’elle se brisa comme si elle fût venue frapper contre un roc.

« Les Varangiens, sans être ébranlés par la charge impétueuse des Arabes, reçurent chevaux et cavaliers en faisant pleuvoir sur eux les coups de leurs lourdes haches d’armes, auxquels les plus braves et les plus vigoureux de nos ennemis ne pouvaient ni faire face ni résister. Les gardes renforcèrent aussi leurs rangs en se serrant les uns contre les autres, à la manière des anciens Macédoniens, de telle sorte que les chevaux légers et élégants des Iduméens ne purent s’ouvrir le plus petit jour à travers la phalange du Nord. Les hommes les plus braves, les chevaux les plus vifs tombèrent au premier rang. Les javelines pesantes et courtes lancées par les derniers rangs des braves Varangiens, avec un coup d’œil sûr et un bras vigoureux, achevèrent de mettre la confusion parmi les assaillants, qui tournèrent bride épouvantés, et s’enfuirent du champ de bataille dans un désordre complet.

« L’ennemi ayant été ainsi repoussé, nous poursuivîmes notre marche sans nous arrêter jusqu’aux fourgons à moitié pillés. Là quelques remarques furent faites par certains officiers de l’intérieur de la maison de l’empereur, qui, se trouvant de service près des provisions, et ayant abandonné leur poste au moment de l’attaque des infidèles, n’étaient revenus que lorsque les ennemis avaient été repoussés. Ces hommes, prompts en fait de malice, quoique très lents lorsqu’il s’agissait de s’acquitter d’un service péril-