Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/87

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donne à la jeunesse et à la force, reparaître devant nous diminués en nombre, avec leurs armures endommagées, leurs boucliers pleins de flèches, leurs armes offensives teintes de sang, et portant sur leur personne même toutes les marques d’un combat récent et désespéré. Il n’était pas moins intéressant de considérer la rencontre des soldats qui avaient défendu le défilé avec leurs camarades. L’empereur, d’après l’idée que lui en suggéra le fidèle Acolouthos, leur permit de quitter quelques moments leurs rangs, et de se communiquer les détails de la bataille.

« Au moment où les deux bandes se rejoignirent, la joie et la douleur parurent se disputer leurs pensées. Le plus farouche de ces barbares, j’en fus témoin, je puis attester le fait, tendant sa main vigoureuse à quelque camarade qu’il avait cru mort, laissait tomber des larmes de ses grands yeux bleus, car il apprenait en même temps la perte de quelque autre qu’il espérait avoir survécu. Des vétérans examinaient les étendards qui s’étaient trouvés dans la mêlée, s’assuraient qu’ils avaient tous été sauvés avec honneur, et ajoutaient les nouvelles traces de flèches dont ces drapeaux avaient été percés aux marques du même genre qu’ils avaient rapportées d’anciens combats. Tous faisaient hautement les louanges du brave chef qu’ils avaient perdu dans la fleur de son âge, et les acclamations n’étaient pas moins générales en faveur de celui qui lui avait succédé dans le commandement, et qui ramenait le détachement de son frère mort (ici la princesse parut intercaler quelques mots appropriés à la circonstance), et c’est lui-même que j’assure en ce moment du grand cas et de l’estime que fait de lui l’auteur de cette histoire… je pourrais dire chacun des membres de la famille impériale… pour sa bravoure et les services qu’il a rendus dans une crise si importante. »

Ayant ainsi payé à son ami le Varangien son tribut d’admiration, auquel se mêlèrent des émotions que l’on ne manifeste pas volontiers devant tant de témoins, Anne Comnène continua avec calme la partie de son histoire qui était moins personnelle.

« Nous n’eûmes guère le temps de faire d’autres observations sur ce qui se passa entre ces braves soldats ; car après quelques minutes accordées à l’expansion de leur sentiments, les trompettes donnèrent le signal de se remettre en marche sur Laodicée, et nous aperçûmes bientôt la ville, qui se trouvait alors à environ quatre milles de nous, au milieu d’une plaine ombragée d’arbres. La garnison semblait déjà informée de notre approche ; car on voyait sor-