Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/85

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je ne dois pas courir risque d’usurper ses droits. — Que l’on fasse silence ! interrompit l’empereur. Si nous avons commis une erreur, nous sommes assez riche pour la réparer ; Hereward n’en sera pas plus pauvre, quand même il se trouverait un Édouard qui méritât cette gratification. — Votre Altesse peut s’en remettre de ce soin sur sa compagne affectionnée, reprit l’impératrice Irène. — Son Altesse très sacrée, ajouta la princesse Anne Comnène, est si désireuse d’accaparer toutes les bonnes et gracieuses actions, qu’elle ne laisse point la faculté, même à ceux qui l’approchent de plus près, de montrer leur générosité ou leur munificence. Cependant je témoignerai, à ma manière, ma gratitude envers ce brave soldat ; car à l’endroit où ses exploits sont mentionnés dans cette histoire, je ferai insérer : « Ce haut fait a été accompli par Hereward, l’Anglo-Danois, qu’il a plu à Sa Majesté impériale d’appeler Édouard. Gardez ceci, bon jeune homme, » continua-t-elle, en présentant au barbare une bague de prix, « comme un gage que nous n’oublierons pas notre engagement. »

Hereward accepta la bague en saluant profondément, et avec un trouble que son rang inférieur ne rendait point inconvenant. Il fut évident pour la plupart des personnes présentes que la gratitude de la belle princesse était exprimée d’une manière plus agréable au jeune garde-du-corps que celle d’Alexis Comnène. Il reçut le présent avec de grandes démonstrations de reconnaissance. « Précieuse relique ! » dit-il en pressant ce gage d’estime contre ses lèvres, « nous ne demeurerons peut être pas long-temps ensemble ; mais sois assurée (il s’inclina respectueusement vers la princesse) que la mort seule nous séparera. «

« Continuez, princesse notre fille, dit l’impératrice Irène ; vous en avez assez fait pour montrer que la valeur est précieuse à celle qui peut conférer la renommée, soit qu’elle se trouve dans un Romain ou dans un barbare. »

La princesse reprit son histoire avec une légère apparence d’embarras.

« Nous continuâmes alors notre mouvement sur Laodicée, les troupes qui nous accompagnaient manifestant la plus tranquille assurance. Cependant nous ne pouvions nous empêcher de jeter les yeux vers notre arrière-garde, qui avait été long-temps le point sur lequel nous craignions d’être attaqués. À la fin, à notre grande surprise, un épais nuage de poussière s’offrit aux regards, à moitié chemin du lieu où nous avions fait halte et de celui où nous nous