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naire. Achille Tatius prononça quelques mots d’un discours destiné à excuser la manière rude d’exprimer la douleur à laquelle s’était abandonné Hereward, en assurant aux éminents personnages présents que ce pauvre barbare, privé d’éducation, était réellement le frère cadet de celui qui avait commandé et qui avait péri dans le mémorable défilé. La princesse ne disait rien, mais elle était évidemment émue ; peut-être n’était-elle pas fâchée d’avoir fait naître un sentiment d’intérêt si flatteur pour elle, en sa qualité d’auteur. Les autres, chacun dans leur rôle, prononcèrent quelques mots sans suite, adressés comme paroles de consolation ; car l’affliction qui prend sa source dans une cause naturelle attire généralement la sympathie, même des caractères les plus artificiels. La voix d’Alexis mit fin à ces discours inachevés. « Ah ! mon brave Édouard, s’écria l’empereur, il fallait que je fusse aveugle pour ne pas te reconnaître plus tôt, car je me rappelle qu’il y a cinq cents pièces d’or inscrites sur nos registres comme dues à Édouard le Varangien : elles s’y trouvent marquées parmi les autres libéralités secrètes de ce genre auxquelles nos serviteurs ont des droits, et le paiement n’en sera pas plus long-temps différé. — Non pas à moi, si vous le trouvez bon, mon souverain, » dit l’Anglo-Danois, rendant promptement à ses traits la rude gravité qui les caractérisait d’habitude, « de peur qu’il ne profite à une personne qui n’a point de droits à votre munificence impériale. Mon nom est Hereward : celui d’Édouard est porté par trois de mes camarades, qui tous peuvent aussi bien que moi avoir mérité cette récompense de Votre Altesse pour s’être fidèlement acquittés de leur devoir. »

Tatius fit plusieurs signes à son subordonné pour le détourner de la folie de refuser la libéralité de l’empereur. Agelastès s’exprima plus clairement : « Jeune homme, dit-il, réjouis-toi d’un tel honneur, et ne réponds dorénavant qu’au seul nom d’Édouard, par lequel il a plu à la lumière du monde, en laissant tomber sur toi un de ses rayons, de te distinguer des autres barbares. Que t’importe que sur les fonts baptismaux un prêtre t’ait conféré tout autre prénom que celui par lequel il vient de plaire à l’empereur de te distinguer de la masse commune des mortels ? Ce nom, par une si glorieuse distinction, devient de droit celui que tu devras porter dorénavant !

« Hereward était le nom de mon père, » répliqua le soldat, qui avait tout-à-fait repris son sang-froid ; « je ne puis l’abandonner tant que j’honorerai sa mémoire. Édouard est le nom de mon camarade :