Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureusement, le bruit terrible des lélies, comme les Arabes nomment leur cri d’attaque, quoiqu’il soit difficile de dire à quelle langue il appartient. Peut-être quelqu’un dans cette assemblée pourrat-il éclairer mon ignorance. — Puis je parler et vivre ? » dit l’Acolouthos Achille, fier de sa science littéraire ; « les paroles sont : Alla illa alla Mohamet resoul alla. Cette phrase ou quelques mots semblables contiennent la profession de foi des Arabes, qu’ils proclament toujours lorsqu’ils commencent la bataille ; je les ai souvent entendus. — Et moi aussi, ajouta l’empereur ; et comme toi, sans doute, j’ai quelquefois désiré me voir toute autre part qu’à portée de les entendre. »

Tout le cercle devint attentif pour écouter la réponse d’Achille Tatius ; il était trop bon courtisan néanmoins pour faire aucune réplique imprudente. « Il est de mon devoir, répondit-il, de désirer être près de Votre Grandeur impériale, quelque part que vous souhaitiez vous trouver. »

Agelastès et Zozime échangèrent un coup d’œil, et la princesse Anne Comnène continua son récit.

« La cause de ce bruit sinistre, qui retentissait dans une horrible confusion le long des rochers qui bordaient le passage, nous fut bientôt expliquée par une douzaine de cavaliers chargés de nous en donner connaissance.

« Ils nous informèrent que les barbares, dont l’armée s’était dispersée autour de la position où nous avions campé le jour précédent, n’avaient pu parvenir à réunir leurs forces jusqu’au moment où nos troupes légères évacuaient le point qu’elles avaient occupé pour assurer la retraite de notre armée. Nos troupes commençaient donc à se retirer du sommet des collines dans le passage même, lorsque, malgré le terrain entrecoupé de rochers, elles furent chargées avec fureur par Jezdegerd, à la tête d’un corps considérable de ses troupes, qu’il avait dégagé avec beaucoup de peine et porté ensuite contre les Syriens. Quoique le défilé fut défavorable à la cavalerie, les efforts personnels du chef infidèle amenèrent les barbares qu’il commandait à s’avancer avec un degré de résolution inconnu aux Syriens de l’armée romaine, qui, se trouvant éloignés de leurs camarades, conçurent l’injuste idée qu’on les avait laissés là pour les sacrifier, et pensèrent plutôt à fuir dans diverses directions qu’à faire une résistance honorable. Ainsi l’état des affaires, de l’autre côte du défilé, était moins favorable que nous n’eussions pu le désirer, et ceux qui eurent la curiosité de chercher à voir