Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/75

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secret et la liberté qui règnent de plein droit dans le conseil impérial. Il me suffira de dire que quelques uns furent d’avis d’attaquer promptement l’ennemi en continuant d’avancer. D’autres pensèrent qu’il était plus sûr et peut-être plus facile de nous frayer un passage à l’arrière-garde, et de nous retirer par le même chemin qui nous avait amenés. Je ne dissimulerai même pas qu’il se trouva des personnes d’une fidélité incontestable qui proposèrent un troisième moyen plus certain que les autres, il est vrai, mais tout-à-fait opposé à l’esprit magnanime de l’empereur notre père. On osa parler d’envoyer un esclave de confiance accompagné d’un ministre de l’intérieur de notre palais impérial à la tente de Jezdegerd, pour demander à quelles conditions le barbare permettrait à notre victorieux père de se retirer en sûreté à la tête de son armée triomphante. À cette proposition l’empereur notre père s’écria : Sancta Sophia ! exclamation la plus voisine d’une imprécation que le monarque se soit jamais permise. Il paraissait sur le point de dire quelque chose de violent contre une proposition si honteuse et la lâcheté de ceux qui osaient la faire, quand, se rappelant tout-à-coup l’instabilité des choses humaines et l’infortune de plusieurs des prédécesseurs de Sa gracieuse Majesté, dont quelques uns avaient été forcés, dans ce même pays, de rendre leurs personnes sacrées aux infidèles, l’empereur notre père retint l’expression véhémente de ses sentiments généreux, et ne les fit connaître à ses conseillers que par un discours, dans lequel il déclara qu’un parti si déshonorant et si désespéré serait le dernier qu’il adopterait, même à la dernière extrémité. Ainsi le jugement supérieur de ce puissant monarque rejeta sur-le-champ un conseil honteux pour ses armes ; et par là il encouragea le zèle de ses troupes tout en gardant secrètement cette porte de réserve, qui, dans la nécessité absolue, pouvait encore lui servir pour effectuer sûrement sa retraite, ce qu’il ne pouvait faire d’une manière honorable que dans le cas d’un extrême danger.

« Au moment où la discussion était arrivée à ce point décisif, l’illustre Achille Tatius arriva avec l’heureuse nouvelle que lui et quelques soldats de son corps avaient découvert une ouverture sur le flanc gauche de notre camp, ouverture par laquelle, en faisant, il est vrai, un circuit considérable, nous pourrions atteindre, en marchant vigoureusement, la ville de Laodicée, et là, en nous repliant sur nos réserves, nous mettre à peu près en sûreté contre l’ennemi.