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pereur pour lui rendre les hommages militaires. Il le salua en pliant le genou, porta la main à son casque, puis se relevant et appuyant sa hache sur son épaule, il se tint immobile devant le trône impérial, comme une sentinelle à son poste.

Un léger sourire de surprise parcourut le cercle à l’aspect de l’air mâle et martial, quoique peu cérémonieux, du soldat du Nord. Les divers spectateurs de cette scène consultaient la physionomie de l’empereur, ne sachant s’ils devaient regarder les manières hardies du Varangien comme un manque de respect, et en manifester leur horreur, ou considérer les manières du jeune soldat comme le signe d’un zèle sincère, et y donner des applaudissements.

Il se passa quelques minutes avant que l’empereur eût recouvré assez de présence d’esprit pour donner le ton à ses courtisans, ainsi que c’était l’usage en pareilles occasions. Alexis Comnène était plongé dans une espèce de sommeil, ou au moins de rêverie. En revenant à lui, il tressaillit à l’aspect du Varangien ; car, bien qu’il eût la coutume de confier la garde extérieure du palais à ce corps privilégié, le service de l’intérieur était toujours fait par ces noirs difformes dont on a déjà parlé, et qui, malgré l’état de servitude et de dégradation auquel ils étaient réduits, parvenaient cependant quelquefois jusqu’au rang de ministre d’état et de commandant des armées. Le style militaire de sa fille retentissait encore à l’oreille de l’empereur, et son esprit était encore confusément occupé de la description qu’elle venait de lui lire, et qui faisait partie de son grand ouvrage historique sur les batailles et les exploits de son père, lorsqu’en ouvrant les yeux il aperçut le soldat de sa garde saxonne, dont le souvenir ne se présentait jamais à son esprit qu’accompagné d’idées de combats, de dangers et de mort.

Après avoir regardé vaguement autour de lui, ses yeux se dirigèrent vers Achille Tatius : « Pourquoi es-tu ici, fidèle Acolouthos ? demanda-t-il ; pourquoi ce soldat à cette heure de la nuit ? » C’était alors pour tous les visages de la cour le moment de se modeler regis ad exemplar[1]. Mais avant que le patriarche eût eu le temps de donner à sa contenance une expression de respectueuse crainte, Achille Tatius avait prononcé quelques mots qui rappelèrent à la mémoire d’Alexis que le soldat avait été amené en sa présence par son ordre spécial. « C’est vrai, » dit-il, et le nuage qui avait obscurci son front disparut à l’instant. « Les soins de l’état, continua-t-il, nous avaient fait oublier cet ordre. » Il parla alors au Varan-

  1. À l’exemple du roi. a. m.