Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/62

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à genoux sur des coussins quand leur maîtresse n’avait pas besoin d’elles pour lui servir de pupitres vivants, et pour dérouler les rouleaux de parchemin sur lesquels la princesse consignait les trésors de sa science ou de celle des autres. L’une de ces jeunes filles, nommée Astarté, était si renommée par la beauté de son écriture en diverses langues, qu’elle faillit être envoyée comme présent au calife (qui ne savait ni lire ni écrire) dans un moment où il était nécessaire de le séduire pour le déterminer à un traité de paix. L’autre suivante de la princesse se nommait Violanta : on l’appelait communément la Muse. Habile dans l’art de la musique vocale et instrumentale, elle avait été réellement envoyée en présent à Robert Guiscard, archiduc d’Apulie ; mais comme ce prince était vieux et sourd, et que la jeune fille avait à peine dix ans à cette époque, il renvoya ce présent à l’empereur, et avec l’égoïsme qui était un des signes caractéristiques de ce rusé Normand, il l’engagea à lui envoyer quelqu’un qui pût contribuer à ses plaisirs au lieu d’un enfant bruyant et mal élevé.

Au dessous de ces sièges d’honneur étaient assis ou reposaient sur le parquet de la salle les favoris admis à ces réunions. Le patriarche Zozime et quelques autres vieillards avaient seuls le droit de s’asseoir sur des tabourets fort bas, qui étaient les seuls sièges préparés pour les savants qui assistaient à ces réunions. Quant aux magistrats plus jeunes, l’honneur qu’on leur faisait, en leur permettant de jouir de la conversation impériale, était regardé comme devant leur suffire et les dispenser du tabouret. Cinq ou six courtisans, d’âge et de costumes différents, composaient le reste de l’assemblée, condamnés à se tenir debout ou à s’agenouiller, pour se délasser, sur le bord d’une fontaine dont les jets d’eau répandaient une pluie fine et douce qui rafraîchissait sans cesse les fleurs et les arbustes dont cette fontaine était ornée, et dont les parfums se répandaient dans toute la salle. Un vieillard, nommé Agelastès, gros, replet et vêtu comme les anciens philosophes cyniques, se faisait remarquer, tant par son costume simple et son orgueil de stoïcien, que par le soin qu’il mettait à observer strictement le cérémonial insignifiant exigé par l’étiquette de la cour impériale. Il s’était fait connaître par son affectation à adopter les principes et le langage des cyniques et des philosophes républicains, ce qui formait une contradiction étrange avec sa déférence pour les grands, et sa soumission aux formalités puériles de cour. Il était étonnant de voir cet homme, âgé alors de plus de soixante ans, dédaigner le privi-