Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/53

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mis à la Porte-d’Or et à d’autres entrées de la ville, à l’une desquelles un marchand, porteur de joyaux appartenant au patriarche, a été dernièrement arrêté et assassiné. — Vraiment ! » dit avec surprise le Varangien, « et que dit Alex… je veux dire l’empereur très sacré, quand il a entendu accuser de semblables faits les gardiens de la ville ? Bien que lui-même il ait donné, comme nous disons dans notre pays, les oies à garder au canard. — Cela se peut ; mais Alexis est un souverain dont la politique est profonde, et il a résolu de ne pas procéder contre ces traîtres et leur général le protospathaire sans avoir des preuves positives. Sa Majesté très sacrée m’a chargé en conséquence d’en obtenir de spéciales par ton moyen. — Et j’y serais parvenu en deux minutes si vous ne m’aviez pas rappelé quand je poursuivais ce vagabond de coupe-jarret. Mais Sa Majesté connaît la parole d’un Varangien ; et je puis l’assurer que l’envie de s’emparer de mon pourpoint d’argent qu’ils nomment cuirasse, ou bien la haine qu’ils portent à mon corps, suffirait pour exciter quelqu’un de ces scélérats à couper la gorge à un Varangien endormi. Ainsi donc, capitaine, je suppose que nous allons rendre compte à l’empereur de la besogne de cette nuit. — Non, mon actif soldat ; et quand même tu eusses arrêté ce fuyard, ce coquin, je lui aurais sur-le-champ rendu la liberté ; et mon devoir actuel est de t’engager à oublier cette aventure. — Ah ! il y a là un changement de politique, j’imagine. — Oui, vraiment, brave Hereward ; avant de sortir du palais ce soir, le patriarche m’a fait des ouvertures de réconciliation avec le protospathaire ; et comme il est dans l’intérêt de l’État que nous vivions en bonne intelligence, je ne pouvais guère les rejeter ni comme bon soldat ni comme bon chrétien. Toutes les offenses faites à mon honneur seront pleinement réparées, et le patriarche m’en a donné sa garantie. L’empereur, qui aime mieux fermer les yeux que de voir la discorde, veut que l’affaire se termine de cette manière. — Et les reproches faits aux Varangiens ? demanda vivement Hereward.

« Seront pleinement rétractés, et comme indemmté il sera fait une donation en or au corps des haches anglo-danoises. Toi, mon Hereward, tu peux en être le distributeur ; et si tu t’en acquittes avec habileté, tu peux couvrir ta hache de feuilles d’or. — Je l’aime mieux comme elle est, dit le Varangien. Mon père la portait à la bataille d’Hastings contre les brigands normands. Du fer au lieu d’or, voilà ma monnaie. — Tu peux choisir à ton gré, Hereward ; seulement, si tu es pauvre, n’en accuse que toi-même. »